mercredi 5 novembre 2014

"Tu vas pas t'ennuyer ?"

Cela fait 2 mois que j'ai quitté les urgences. Enfin presque, j'y retourne pour une à 2 gardes par mois. Mais, je ne risque pas d'en faire plus.

Ainsi, depuis 2 mois, j'ai intégré l'équipe de l'HAD, c'est à dire l'Hospitalisation A Domicile. Nous sommes 2 médecins associés à 8 infirmières et 4 aides-soignantes. Rien à voir avec ma précédente équipe...
Quand les gens me connaissant ont su que je changeais de service, leur première réaction était la surprise puis venait la fameuse question : "Tu vas pas t'ennuyer là-bas ?".
Effectivement, j'ai toujours voulu faire des urgences pour les situations extrêmes que l'on pouvait rencontrer. A tel point que j'ai fait pendant plusieurs années du secours en montagne avec la sécurité civile.
Et voilà, que je décidais de me caser dans un bureau après des années de travail de terrain. Il y avait de quoi être surpris.

Et, le premier jour leur donna raison. Comme d'habitude, je me suis dépêché pour arriver. Ce qui n'était vraiment pas nécessaire...
8h30 : ma collègue me présente le logiciel du service et les points importants à noter
9h30 : café
10h00 : présentation d'un autre logiciel permettant les demandes d'admission de patient
11h00 : visite virtuelle des patients. On aborde enfin le côté clinique du travail.
Et... 12h00 : repas

Hallucinant, une matinée de travail et pas un seul patient vu. Cela ne mettait jamais arrivé.

Après le repas, staff permettant une visite virtuelle des patients puis retour au bureau pour contacter les spécialistes, les familles, les médecins traitants et ajuster les traitements en cours.

Les premiers jours à l'HAD, je ressentais une sorte de stress permanent, conséquence de mes années de travail aux urgences où j'avais pris l'habitude d'être en état de stress permanent que je gérais. Je me posais en salle de pause régulièrement pour souffler et parfois, je prenais un peu l'air. Ce stress était surtout la peur de ne pas faire face à un trop grand nombre de patient. Je n'ai jamais aimé que les gens attendent ce qui me faisait travailler de plus en plus vite avec un risque d'erreur et de fatigue. Tout cela, j'en avais pris conscience au fur et à mesure et pour éviter le burn-out et l'erreur médicale, j'avais décidé de partir. Maintenant, j'arrive serein. Je prends mon café, vais dans mon bureau et prends connaissance des transmissions des IDE. Puis j'ajuste quelques traitements, appelle quelques médecins ou service, prends en compte les demandes d'admission et rends visite à quelques patients. Tout cela tranquillement. Je me sens mieux, plus détendu.

Je ne fais plus non plus des nuits ou des week-ends ni de jour férié. Ainsi, je vais pouvoir pour la première fois depuis plus de 15 ans avoir Noël et le jour de l'an.

Et non, je ne vais pas m'ennuyer...

mardi 2 septembre 2014

Auckland - suite et fin -

Quand on m'appelait pour un rapatriement, je plaisantais en demandant : "Auckland ?" jusqu'à ce que cela m'arrive vraiment. Je n'aurais pas cru que cela possible. Et pourtant...
Ce ne fut pas simple pour autant. Il fallait que l'on ramène une patiente de 30 ans, tétraplégique depuis l'âge de 10 mois (et non, 10 ans comme mentionné dans notre rapport médical) ayant un escarre sacré surinfecté. Donc, pour la transporter, il nous fallait emmener un matelas coquille, imposant bagage qui voyage avec les objets "oversized", c'est à dire encombrants. Après avoir voyagé pendant plus de 24 heures (départ à 7 heures du matin pour une arrivée le lendemain à 23h30, heure locale), nous sommes enfin arrivés à Auckland, décalés et fatigués. Mais sans notre matelas coquille... Essayer d'expliquer au service bagages perdus en anglais ce qu'est un matelas coquille... C'est toute une histoire... Quelle taille ? Quelle forme ? Quelle couleur ? Et c'est quoi ?... Tout ça pour qu'on nous dise que finalement, il ne sait pas où il est et qu'il va falloir rappeler demain... Plus qu'aller à l'hôtel et là, surprise, au lieu de l'hôtel classe situé en plein centre-ville d'Auckland, voilà qu'on se retrouve logé à l'hôtel de l'aéroport et en plus pour 3 nuits, nous apprend la réceptionniste. Quelle idée !!! On ne va quand même pas faire les allers-retours en bus ou en taxi pour la visiter le centre-ville pendant 2 jours. Mais bon, fallait qu'on dorme et évidemment avec le décalage horaire, il était pour nous le milieu de l'après-midi et comme d'habitude, je me suis réveillé au bout de 4 heures. Comme après une sieste. Avec l'impossibilité de retrouver le sommeil. Tant pis, à 6 heures, je décide d'aller courir à la salle de sport. Cela me fait toujours bizarre de courir ou de nager à l'étranger alors que j'y suis pour travailler. Mais, j'adore ça !! Profiter de ce que les rapatriements m'apportent de différent : les buffets du petit, déjeuner,

Au petit déjeuner, nous décidâmes, l'infirmière et moi de changer d'hôtel et d'aller dans celui prévu initialement. Ne surtout pas oublier d'appeler le service des bagages de l'aéroport et l'assistance de notre changement. Nous ne regrettâmes pas notre modification de logement : magnifique hall, personnel attentif, chambres spacieuses, avec en plus une réceptionniste française. Grâce à elle, on a pu téléphoner sans souci d'incompréhension au service bagages.

Quel plaisir se fut par la suite de prendre son temps, de visiter Auckland, son musée, de se baigner dans la piscine intérieure chauffée, de manger dans des petits restos.


Le deuxième jour, finies les "vacances" et... toujours pas de matelas coquille. On apprit qu'il devait arriver le soir même à 22h40 alors qu'il nous fallait réceptionner la patiente à 20h et décoller à 23h50. Impossible de le récupérer pour s'en servir. On avait réfléchi à cette éventualité et heureusement pour nous, la patiente dénutrie ne pesait que 30 kgs : elle ne serait pas difficile à transporter mais il fallait par contre que le matelas reparte avec nous. Pour compliquer les choses, n'étant pas sur de nous, on a demandé à pouvoir le récupérer à notre escale de Singapour qui devait durer 7 heures.

Notre patiente ne pouvait que bouger la tête et légèrement les doigts de la main droite. Ses membres raides avaient des positions vicieuses. Elle était dépendante pour tout : pour la couvrir si elle avait trop chaud, la découvrir si elle avait trop froid, essuyer son visage et dégager les cheveux qui pouvaient la gêner, la changer tout en faisant attention que son masque de ventilation soit bien installé, pas trop serré et bien centré, lui donner à manger, à boire,... Nous ne fumes pas trop de deux pour assurer le nursing. Mais malgré tout, nous ne pûmes pas nous reposer.

Une fois installés à l'infirmerie de Singapour, je partis à la recherche de notre fameux matelas coquille (qui se dit "vacuum mattress" en anglais, toujours bon à savoir, je ne risque pas de l'oublier). Après plusieurs passages par le service bagage, sécurité, policier, on m'expliqua que je n'était pas dans le bon terminal, le "vacuum mattress" étant arrivé au terminal 2. Je dus recommencer toutes les démarches pour accéder à nouveau au fameux tapis roulant et surprise... notre matelas coquille nous attendait bien sagement. Quand je pense qu'au final, on ne s'en est même pas servi.

Après ce second vol de 13 heures, on était vraiment très fatigués et ce fut sous la nuit qu'il nous fallut transférer la patiente dans un avion sanitaire. Elle fut alors toute mouillée et dans l'espace confiné et avec une lumière blafarde, l'infirmière et moi durent la changer. L'assistance ne nous oublia pas pour autant en nous appelant quelques minutes avant le décollage pour nous signaler que l'hôpital destinataire n'acceptait pas la patiente. Depuis quand un service d'urgence choisit ses patients ? J'ai trouvé ça hallucinant et la solution fut de la ramener à son domicile à 3 heures du matin... J'ai découvert une maison adaptée à son handicap, tout était prévu : accessible sans escaliers, lit médicalisé, couverture chauffante, matelas anti-escarre avec une famille très présente et attentive.

Quelle voyage... Il ne restait plus qu'à récupérer. Bizarrement, je me remis facilement de ce second "jet-lag"...

samedi 23 août 2014

Escale Singapour

Deuxième escale dans notre périple pour ramener une patiente en France : Singapour... Après 12 heures de vol. Comme le vol se faisait de jour, difficile de dormir et nous voici à 7h du matin heure locale soit 1h du matin en France sans avoir beaucoup dormi et il nous reste encore 8 heures de vol à faire. Toujours en business class, ouf !!!
Le repas juste parfait, le siège se repliant pour dormir à plat.

Je n'ose pas encore imaginer le retour tout en classe éco...



vendredi 22 août 2014

Direction Auckland


Ça y est, cette fois, c'est parti. Direction la Nouvelle Zélande. Yes. En business
D'abord, escale à Paris avec repos au lounge.... avant d'embarquer sur l'A380... Depuis le temps que j'en révais, l'assistance l'a fait...
Le retour se fait en classe éco avec une patiente en civiére paraplégique et dénutrie. Ce sera plus difficile. Mais je préfère évidemment ça à 24h dans le "couloir de la mort"...

mercredi 20 août 2014

Quand Wolff rencontre Parkinson et White

En Smur, on s'attend toujours et on espère faire des interventions intéressantes qui sous-entend qu'elles sont graves. Ce n'est pas que l'on le souhaite mais il faut avouer que l'on fait ce travail pour cela. Mais c'est malgré tout rare et souvent. Et alors que la fiche d'intervention nous signale un arrêt cardiaque par exemple, il est fréquent qu'il s'agisse en fait d'un malaise, d'une hypoglycémie ou d'une crise convulsive.
Ainsi, lorsque l'on prend le départ pour un arrêt cardiaque chez une femme de 36 ans, nous n'y croyons pas mais malgré tout, il faut faire confiance en la régulation et partir en pensant au pire. Pendant le trajet, un complément de bilan apporté par l'arrivée sur les lieux des pompiers confirme que la patiente de 36 ans est bel et bien en arrêt. Mince, 36 ans, qu'est ce qui a bien pu se passer pour que son coeur s'arrête ? De toute façon, il est clair qu'il faudra la transporter soit pour la mettre sous circulation extra-corporelle soit pour un éventuel prélèvement des organes. C'est triste d'y penser mais hélas, il est nécessaire d'anticiper et cela fait partie de notre travail
Une fois sur place, la patiente est allongée dans son salon avec les pompiers autour sans qu'aucun ne masse. Seul l'un d'entre eux est à la tête pour ballonner. Et pour cause, un pouls a été récupéré après 3 chocs électriques externes. Ouf !! Bonne nouvelle. Les pompiers m'expliquent qu'alors qu'elle discutait avec son mari, elle s'est effondré sans rien ressentir au préalable. Mais elle a récupèré un pouls et une bonne tension. A nous de la stabiliser pour la transporter au plus vite en réanimation. Elle n'a pas été massée tout de suite par son mari mais elle bouge ses bras et a récupéré une ventilation spontanée. Deuxième bonne nouvelle. On la sédate, je l'intube, on la place sous respirateur. Le premier ECG ne m'apporte aucune information sur l'origine de son arrêt. Je remarque que le coeur ne semble pas avoir souffert de son arrêt. Après avoir expliqué les risques au mari qui s'occupait alors de ses jeunes enfants, nous partons vers la réanimation. Je constate pendant le trajet une modification de son ECG : la patiente souffrait d'un Wolff-Parkinson-White, un trouble de la conduction cardiaque qui peut conduire à une mort subite.
Une fois la patiente transmise au réanimateur, on a tous ressenti le sentiment d'avoir fait quelque chose d'important et d'avoir aidé au mieux une jeune mère. Reste à connaitre les séquelles que son cerveau a subi

vendredi 15 août 2014

Nouvelle-Zélande ? Pourquoi pas ?

Et voilà, enfin... Depuis 6 mois que je n'avais pas fait de long courrier, j'ai reçu un appel aujourd'hui pour partir en Nouvelle-Zélande le 22 août. Arrivée sur place le 23 au soir pour un retour dès le 24 en soirée. Arrivée en France le 26 dans la nuit. Passage par Singapour à l'aller. Juste le pied...

Cela va me changer de l'ambulance. Yyeeeaahhhh !!!!

Par contre, retour en classe éco avec une patiente paraplégique en civière. Sous CPAP la nuit. On va avoir du boulot au retour. Mais faut quand même travailler un peu, ce ne sont pas des vacances tout de même.

Je dis juste : "Yyyeeaaahhhh".

Les yeux dans les yeux

On sent bien que c'est les vacances en ce moment. Je n'arrête pas d'enchainer les rapatriements  et les journées à l'hôpital. Faut dire qu'avec ce temps, il n'y a pas grand chose d'autre à faire finalement.

Maintenant que j'ai décidé de changer de service, voilà que j'enchaine les urgences et les smurs intéressants. De quoi presque me faire changer d'avis.

Ainsi, ce jeune homme amené par des ambulanciers pour des douleurs aux membres inférieurs. Sa couleur très pâle incite l'infirmier d'accueil à faire un hémocue : 5g. Allez : admission direct au déchocage. Je l'avais entr'aperçu et je m'étais dit la même chose. En l'examinant, je remarque des œdèmes diffus, au visage, aux mains et aux pieds avec des hématomes dans les zones déclives : déficit probable en protides et en plaquettes ou un trouble de la coagulation. Il est amaigri et supporte très bien son anémie profonde, signe qu'elle doit être très ancienne. Je pense initialement à une insuffisance hépatique, conséquence d'un éthylisme chronique.

" - Vous buvez de l'alcool pendant les repas ?
  - Non, j'ai arrêté il y a plusieurs années."

Mauvaise pioche.

Je remarque que nous avons le même âge et je ne peux m'empêcher de le lui faire remarquer.

" - On a le même âge et regardez, on n'est pas dans le même état. Il y a quelque chose qui ne va pas."

Je sais, ce n'est pas très sympa, mais parfois, je ne peux pas m'empêcher d'être cynique.

Je décide de le transfuser et d'attendre le bilan pour y voir plus clair. Plus tard, son bilan ne m'apporte rien hormis la confirmation de son anémie et d'un déficit en albumine. Son foie et ses reins fonctionnent. Mince, mais qu'est ce qui a entrainé un tel état ? Il est fébrile, mais je ne retrouve aucun point d'appel à une infection. Vu le monde aux urgences, je temporise. La transfusion lui a fait du bien : ses œdèmes ont légèrement diminué et il a repris quelques couleurs. L'infectiologue passant par là, je lui demande son avis. On réfléchit ensemble et au vu du bilan, me parle d'un déficit en vitamine qui pourrait expliquer son anémie. Je retourne alors voir mon patient et lui demande comment il vit.

" - Je suis sous curatelle (il est psychotique et a dépensé un moment beaucoup d'argent ce qui a motivé sa mise sous tutelle)
  - Et vous mangez quoi ?
  - Des pâtes. Je ne mange que des pâtes..."

Et là, bingo. Tout s'explique. Il est juste carencé en tout : protéines, vitamines,... ce qui explique son état qui est apparu progressivement. C'est quand même fou de devenir comme cela. Décidément, il y a toujours des situations nouvelles

Evidemment, il n'est pas le seul à être mal. Les ambulanciers nous amènent également un homme somnolent. Il est adressé par son médecin traitant pour décompensation respiratoire. On a peu de données et son état est critique : comateux, cyanosé des lèvres et des extrémités. Il va falloir prendre une décision rapide. L'infirmier d'accueil m'évoque avec un demi-sourire l'intubation. Je ne sais pas pourquoi, mais à voir le patient, je me dis qu'il est comateux à cause de l'hypercapnie et qu'il doit donc être un insuffisant respiratoire. L'intubation n'est pas forcément conseillée. Il faut que j'en sache plus. Je le mets d'abord sous ventilation non invasive, demande un bilan biologique et radiologique. Par chance, il est suivi dans mon centre hospitalier. Je prends du temps pour me pencher sur son dossier. Il est bien insuffisant respiratoire sous 7l/min d'oxygène la journée et sous VNI la nuit. Il a donc déjà un traitement optimal et est en bout de course. Il a également déjà été hospitalisé en réanimation et son dernier passage dans l'unité se termine par cette phrase : "il serait licite que ce patient ne retourne pas en réanimation". Tout est dit. Une chose est sure : il ne faut absolument pas que je l'intube. Car en plus de me faire "engueuler" par les réanimateurs, ce ne serait pas un service à rendre au patient, car on ne pourrait probablement pas le sevrer du respirateur. Mais maintenant, il n'est pas vraiment amélioré par la VNI et les aérosols et je ne sais plus quoi faire. Je suis quand même contraint d'appeler les réas, ne serait ce que pour confirmer la limitation des soins. Le spécialiste confirme mon diagnostic et ne voit pas non plus ce que l'on va pouvoir faire de plus. Cela ne me rassure pas et je n'ai toujours pas trouvé de place où hospitaliser mon patient toujours dans un état critique. Passons aux pneumologues. Je les appelle. Ils connaissent bien le patient et acceptent de le prendre en charge en me disant que de toute façon, il va mourir.

" - As tu prévenu sa famille ?
  - Non, pas encore...
  - Faut que tu les appelles et tu leur parles de son état
  - Ok, je leur dit qu'il est pas bien
  - Non, non, tu leur dis qu'il va mourir
  - ..."

Bien sur, je ne le connais que depuis quelques heures et c'est à moi, un parfait inconnu à annoncer à sa famille sa mort et au téléphone en plus. Bien sur, je ne l'ai pas fait. On ne peut pas et ne doit pas procéder comme cela. J'ai parlé de son état critique et de la nécessiter de venir rapidement... C'est aux spécialistes d'annoncer l'issue inévitable et cela les yeux dans les yeux !!!

mardi 5 août 2014

Faut pas se plaindre

La semaine dernière, j'ai enchainé 5 rapatriements et cette semaine, il a suffi de 24h aux urgences pour que je me sente naze.

Ce qui est dommage en ce moment est que je ne fais que de l'ambulance (en rapatriement j'entends), pas de vol long courrier. Quelques retours en avion après avoir déposé le patient heureusement, histoire de profiter du salon air france, de grappiller quelques miles sur ma carte flying blue gold (rien que ça, mais plus pour très longtemps si je ne fais pas un long courrier cette année).

Au moins, j'ai fait quelques rencontres intéressantes : alors qu'un patient était assez ennuyeux, les ambulancières étaient agréables et surprenantes : la jeune était musicienne, joueuse d'alto (équivalent à un violon, mais sur le coup, je n'ai pas osé demander) et désirait devenir luthier (c'est pas commun). Elle m'a longuement expliqué que le concours d'accès à l'école était difficile et qu'elle avait décidé de tenter sa chance à l'étranger mais il lui fallait pour cela de l'argent, donc un métier sans formation longue, donc ambulancière. Elle m'expliquait comment un violon se fabrique, quel bois utiliser, le temps de séchage, les différentes pièces à réaliser... Cela peut sembler ennuyeux, mais elle était passionnée et c'était captivant de l'entendre parler de sa passion. Fabriquer des violons, c'est pas commun... La plus âgée des ambulancières avait été garde-malade pour une dame très riche mais surtout très dépressive qui passait ses journées à se morfondre sur elle-même tout en continuant à brasser de l'argent. Cela avait été difficile pour l'ambulancière de subir cet état dépressif et ne pas arriver à faire quoi que ce soit tout en voyant la famille tourner autour comme des rapaces. Elle avait préféré partir au bout de 2 ans malgré un bon salaire et quelques avantages.

Si vous trouvez vos enfants pénibles, lisez la suite. J'ai transporté un enfant de 5 ans sur qui le sort s'acharne. A peine né qu'il a du être opéré d'une transposition des gros vaisseaux avec sténose de l'artère pulmonaire. Dans les suites opératoires, les cardiologues ont du l'équiper d'un pacemaker à 6 mois de vie. Deux ans plus tard, découverte d'une surdité bilatérale puis d'une anosmie et enfin d'une hypermétropie. Le voici ainsi à 5 ans équipé de lunettes, d'appareils auditifs et d'un pacemaker. Comme un petit vieux... Pauvre petit bonhomme. Il fallait qu'il rentre chez lui après que les médecins ait diagnostiqué une trombe-phlébite cérébrale après qu'il ait fait une crise convulsive. Ainsi, il se retrouvait en plus sous anti-coagulant... Vraiment comme un petit vieux, quoi. Evidemment, il y a surement une maladie orpheline derrière ou une anomalie génétique. Mais la mère qui nous accompagnait m'a précisé que pour l'instant rien n'avait été retrouvé et que le généticien qui suivait son fils continuait à chercher. Heureusement, le petit ne souffrait d'aucun retard mental et poursuivait une scolarité normale. Sa mère était gentille mais ne cédait pas à ses moindres caprices et essayait de positiver : elle me disait que cela pourrait être pire et qu'elle avait vu un enfant souffrant d'une malformation de sa moelle épinière l'empêchant de se déplacer. Il était condamné à vivre dans un fauteuil roulant. Même pas sur qu'il puisse le manoeuvrer tout seul.
Pendant le trajet, j'ai pris le temps de lire son dossier. Les médecins qui avaient pris en charge son fils ont pris le temps de contacter le généticien qui a alors évoqué un CACH syndrome. Ce dernier conduit au décès du malade au bout de quelques années. Si le généticien avait vu juste, le petit qui était à côté de moi était condamné et a priori, la mère n'en savait rien... Effectivement, cela paraissait difficile de le lui dire. Fallait-il le faire car elle a le droit de tout savoir sur l'état de santé de son enfant et pour qu'elle puisse en profiter pleinement mais au risque que l'enfant n'ait pas une enfance normale ou ne rien dire pour que la famille puisse mener une vie "normale" et se battre pour lui ? C'est tout le problème de l'annonce de ces maladies incurables... Le garçon lui, avait l'habitude d'aller et de vivre à l'hôpital entouré continuellement de personnes en blouse blanche.

Je trouve que de telles rencontres permettent de relativiser et de se rendre compte que finalement on n'est pas si à plaindre...

jeudi 24 juillet 2014

Finalement, mieux vaut avoir les pieds sur terre...

Je suis en plein milieu de mes vacances que j'ai décidé d'utiliser pour les rapatriements. Donner une longue période de disponibilité permet au cas où, de partir loin, mais hélas, rien. A la rigueur, vu les accidents d'avion en ce moment (3 en une semaine), il faut peut-être mieux rester en France faire de l'ambulance. En plus, les 3 accidents se sont produits sur 3 continents différents et hormis Taïwan, les 2 autres auraient pu correspondre à des rapatriements.

Bon, j'ai quand même pu aller à Bruxelles la semaine dernière avec une soirée passée sur place (nuit passée au Crowne Plaza, ce qui ne gache rien) et visite de la Grande Place, du Manneken pis, et consommation de bières, de bières, et de bières...  On a quand même mangé un peu, histoire d'éponger tout cela et avec la nourriture belge, vous pouvez en éponger. Ceci explique peut-être cela...

Quelques jours plus tard, je suis retourné dans le nord, cette fois pour aller à Lille avec consommation de plats locaux sur la grande place : frites, welsh, tourte au Maroilles, croquette de vieux Lille, galette de pommes de terre aux oignons... La délicatesse et la légèreté de la nourriture ch'ti n'a rien à envier à la belge...

Bon, quand même, malgré tout, vivement un long-courrier...

dimanche 13 juillet 2014

Le gentleman du déménagement

Au moins, je peux enchaîner les rapatriements sans problème. Jeudi, après avoir travaillé à l'hôpital, je peux pour aller chercher un patient dans un camping pour le ramener en région parisienne à son domicile. L'homme avait ne maladie de l'oreillette, entrainant une arythmie cardiaque et préférait que ce soit l'hôpital proche de son domicile qui l'équipe d'un pacemaker. Pas très intéressant, ancien peintre en bâtiment, il était bourré de convictions et discuter avec lui ne servait à rien d'autant que j'ai l'impression qu'il avait quelques problèmes de mémoire.
A moins, le lendemain, j'ai pu discuter avec un autre patient qui avait fait une insuffisance cardiaque. Retraité, il avait travaillé dans une société de déménagement en tant que directeur d'agence. Sa "boîte" basée à Paris s'occupait du déménagement des ambassades, donc de personnes disposant d'un porte-feuille bien garni. Il m'a ainsi raconté des déménagements qui ont duré environ 2 ans et nécessité des camions à température réglable pour transporter les manteaux de fourrure de madame l'ambassadeur ou des tableaux de monsieur. Il m'a aussi rapporté qu'un contre-maître après s'être occupé d'un déménagement long et difficile avait obtenu une voiture neuve comme pourboire... Bref, il avait plein d'anecdotes que je n'aurais pas cru possible et qui nous ont occupé pendant tout le trajet. Il était cultivé et c'était un plaisir de l'entendre parler de sa région d'adoption. Tranquille, quoi...

Puis, ce jour, pour changer, petite médicalisation d'une course VTT. C'est tellement plus simple et agréable, notamment cela permet de manger en restaurant d'altitude entre 2 descentes. Tranquille, je vous dis...

samedi 12 juillet 2014

Décider de tout arrêter

J'étais intervenu en smur il y a une dizaine de jours sur un arrêt cardio-respiratoire récupéré par les pompiers après un choc. Porteuse d'une myopathie entrainant une insuffisance respiratoire, cette femme de 40 ans était arrivée à bout de souffle au cabinet d'un médecin qui avait rapidement appelé les secours. Alors que le coeur était reparti, elle n'avait pas encore récupéré connaissance. Une fois arrivés et après avoir pris connaissance du dossier, nous avions alors décidé d'intuber, de la mettre sous respirateur, de la sédater pour enfin la transporter en réanimation après être passé au scanner. Au final, la patiente avait présenté un arrêt cardiaque d'origine hypoxique suite à sa myopathie. C'est pourquoi son coeur était reparti aussi "facilement".
J'ai pris récemment de ses nouvelles. Elle s'est réveillée sans séquelles et a été laissée longtemps sous respirateur, car elle n'arrivait pas à se sevrer du respirateur jusqu'à qu'elle s'extube tout seul. Elle fut alors mise sous ventilation non invasive. Pour qu'elle puisse sortir du service, les réas lui ont proposé une trachéotomie. Elle a préféré refuser malgré l'instance de son mari. Le service a lors pris contact avec le samu, le service d'hospitalisation à domicile pour éviter une prochaine réanimation si un arrêt respiratoire se reproduisait. Cela fait bizarre de déprogrammer la réanimation ce qui va conduire inéluctablement vers la mort. C'est contre notre formation et notre "éthique". Mais cela se comprend au vu de la maladie de la patiente. Cette dernière lutte depuis de nombreuses années contre sa maladie qui évolue malgré tous ses efforts. Elle a probablement compris qu'elle ne gagnerait pas et accepté sa fin. Ce n'est pas qu'elle désire mourir, elle est résigné à perdre. Cela demande aussi beaucoup de courage.

J'espère juste que je ne serais pas celui qui décidera de ne rien faire...

lundi 7 juillet 2014

Une solution pour l'urgentiste et vite

Samedi fut une journée rassemblant tout ce que l'on peut vivre de pire aux urgences.
Pourtant, tout avait bien commencé : l'habituel patient en état d'ébriété était rentré chez lui. La matinée s'annonçait calme, ce qui me permettait de trouver une solution à une femme venue du Congo Zaïre par bateau puis en voiture, sans papiers et ne sachant pas où aller. J'ai téléphoné à une dizaine d'association : croix rouge, secours catholique, secours populaire, samu social, mais en fin de journée, la voyant toujours prostrée sur son brancard et sans solution d'hébergement trouvée, j'ai du l'hospitaliser en UHCD. Difficile de la laisser partir au milieu des champs. Comme quoi, il doit me rester une once d'humanité. Nous avions reçu aussi la classique personne âgée démente et grabataire en fin de vie pour une altération de l'état général (à croire que son état n'était pas encore assez altéré) qui avait été admise en salle de déchocage (fallait bien cela).

Et puis voilà, arrive une patiente ayant été opérée par les urologues il y a 2 semaines pour un prolapsus et qui saigne. Je ne suis pas chirurgien, ce n'est pas moi qui l'ait opéré, je ne sais pas vraiment quoi faire. Alors j'appelle le spécialiste. Evidemment, un samedi, il est d'astreinte et ne désire pas passer son samedi aux urgences (et nous, alors ?). Après quelques échanges, il me dit que je n'ai qu'à tamponner. Je lui précise que je ne fais pas cela et il me rétorque que je n'ai qu'à apprendre mon métier. Voilà, ça a commencé par cela. Faut que j'apprenne mon métier. Et ben mon métier, je le connais, sédater, intuber, drainer, réduire des fractures ou des luxations, traiter un infarctus et tout état de choc. Par contre, je ne sais pas opérer et encore moins faire le "service après vente" de la chirurgie... Au final, j'ai bien été obligé de trouver une solution : j'ai relevé mes manches et fait ce que j'ai pu : en faisant mal à la patiente, j'ai placé quelques compresses sur ce que je croyais être l'origine du saignement. Evidemment, cela n'a pas marché (cela aurait été trop simple). Alors, j'ai contacté la gynécologue qui a accepté de m'aider.

J'ai eu aussi la chance de m'occuper de la femme venant pour une douleur pelvienne depuis... quelques semaines, mais là évidemment "c'est pire". Enfin, venant pour une douleur pelvienne, elle vient surtout pour une échographie. Alors quand je lui explique qu'il faut qu'on fasse des examens, elle préfère partir. Drôle de conception des urgences...

Plus tard, le monde arrivant, le temps d'attente s'allongeant, les soignants courant sans prendre de pause, la tension monte. Un jeune homme seul dans son box d'examen interpelle toutes les personnes passant et leur demande si on ne l'a pas appelé. Je me renseigne, retourne le voir et lui dit que quelqu'un va venir. Comme je vois qu'aucun médecin ne s'est pas encore "cliqué" dessus, je m'y "colle". Et voilà, qu'apparait dans l'office médicale, ce jeune patient venant pour fièvre, apostrophant les infirmières. Je viens le voir et lui explique calmement de retourner dans son box et que j'arrivais. Quelques secondes après qu'il soit parti, je n'ai pas pu m'empêcher de commenter "il n'a pas l'air si malade"... Et voila, ce fameux "malade" revenant en furie après m'avoir entendu, pour m'insulter et finalement me donner un coup au visage. A ce moment, toute l'équipe médicale et paramédicale nous sépare. Lui continue à m'insulter. Je reste relativement calme. Après quelques minutes, le patient repart dans son box. Et moi, bizarrement, je décide d'aller le voir. Pourquoi ? Je ne sais pas. D'habitude, je suis le premier à dire que nous ne sommes pas là pour se faire insulter, encore moins frapper. Son geste ne m'a pas surpris. Et lui même ne s'est pas senti dans l'obligation de s'excuser. Même seul avec lui et après avoir bien insisté sur le fait qu'il m'avait agressé physiquement, il trouvait normal de frapper un médecin. Au final, il a décidé de partir sans que j'ai pu finir mon examen. Quand je pense que je suis allé le voir et que j'ai même commencé à l'examiner... Je lui ai dit que j'allais porter plainte. Faudrait le faire, mais faire une entrée puis un certificat de coups et blessures ainsi qu'une déclaration d'accident de travail puis poser une plainte au commissariat, bref tout cela me semble trop long et surtout à rien. Enfin, pas tout à fait, mais je sais que cela ne changera rien pour moi. Et pourtant, je suis le premier à déclamer haut et fort qu'il faut qu'on se fasse respecter. C'est quand même dingue de devoir en arriver là. Les gens n'ont plus de respect pour le temps qu'on leur consacre. D'autant que l'on essaye de voir le maximum de patients sans prendre de pause au risque de faire une erreur. Par la suite, j'ai continué mon travail comme si rien ne s'était passé, parce que tout cela devait forcément arriver un jour. Heureusement, l'équipe médicale et para-médicale est venue me voir pour me réconforter, car mine de rien, cela fait bizarre d'être adressé, nous ne sommes pas préparés à cela.

Ainsi, ce jour m'a montré clairement la position des urgences : entre les patients d'un côté insatisfaits et à qui il faut rapidement trouvé une solution et les spécialistes qui ne comprennent pas qu'on ne connaisse pas leur travail. Et pour nous, est ce que quelqu'un a une solution ?

lundi 30 juin 2014

Les affaires reprennent

Ce week-end, des stations de montagne avaient regroupé leurs parcours vtt pour en créer un immense. Beaucoup de moyens de secours était mobilisé : des secouristes, des pompiers équipés de motos, quad et de véhicule de secours ainsi qu'un hélicoptère médicalisé. Pour la première fois, les organisateurs avaient décidé après une mésaventure l'année dernière d'embaucher un médecin qui s'occuperait de réguler conjointement avec le COS les différents secours et leurs destinations que ce soient le domicile, les cabinets médicaux ou les centres hospitaliers de secteur.

Pour ces 3 jours, le PC sécurité était situé dans un centre de pompier de l'une des stations. Et me voici, arrivant vendredi tôt le matin pour découvrir les lieux et ces habitants. Je fus alors reçu par le chef du centre : 1m80 de haut et quasiment autant de circonférence. Souriant, accueillant, agréable. Les autres pompiers étaient bâtis selon le même modèle : grand et plutôt portés sur l'embonpoint. Hélas, les quelques femmes pompiers présentes avaient le même gabarit en moins prononcé.
Le premier matin, j'avais beaucoup à faire : comprendre le parcours, connaître les différents moyens et leurs localisations, prendre contact avec le médecin de l'hélico et les médecins locaux.
Peu de temps après, j'ai compris le secret de "leurs formes" : à 9h, ils se mirent tous autour de la table et se mirent à sortir du frigo rillettes, jambon, fromage et vin rouge ou rosé au choix... J'étais impressionné par leur "endurance", car fallait voir le repas du midi : un jour brochettes, le lendemain côtes de boeuf grillées, avec toujours vin rouge ou rosé. Le soir, ils sortaient alors les bouteilles de Crémant et au cas où cela n'était pas à mon gout, je pouvais prendre de la bière ou continuer au rouge. Bref, j'avais mis le pied chez des bons vivants. Le premier soir, après plusieurs verres de crémant (je n'arrivais jamais à finir mon verre. On me le remplissait dès qu'il était à moitié vide), je découvris mon hôtel qui avait comme pensionnaires ce soir-là des alsaciens qui tournaient eux à la vodka gingembre, que je fus invité à boire. Puis, repas avec apéritif, vin, et génépi pour finir. Si j'avais su, je me serais entrainé avant, car 3 jours à ce rythme, mon foie ne tiendrait pas.

Question secours, après plusieurs années de régulation, c'était facile d'organiser les moyens à envoyer. Les cyclistes se faisaient principalement des traumatismes du poignet ou de l'épaule. Hormis le second jour, pendant laquelle plusieurs se firent des traumatismes crâniens dont un sévère qui nécessita un transfert sur un centre de neuro-chrirugie et mobilisa l'hélicoptère pendant quelques heures. Le troizième, ce fut encore plus facile. A cause du mauvais temps, plusieurs remontées mécaniques furent fermées et peu de cyclistes prirent le départ. J'avais du mal à imaginer le plaisir qu'ils pouvaient prendre sous la pluie et dans le brouillard sur des routes détrempées et glissantes. Autant faire du roller sur une patinoire.

Après ces trois jours, Je me suis dit qu'il fallait absolument que je revienne car un tel accueil allait me manquer.

Après les vvtistes crasseux, je suis parti en rapatriement chercher un homme psychotique disparu depuis plusieurs mois et retrouvé après avoir crevé les pneux de 41 voitures. Rien que cela...
A mon arrivée à la prison où il avait été placé, les gardiens ne me laissèrent pas entrer. Seuls les ambulanciers purent pénétrer dans le "bunker" pour en sortir avec un homme relativement calme mais totalement délirant. Le psychiatre venu me parler m'expliqua que le patient refusait de prendre son traitement. Comme en général tous les patients psy... Résultat, maintenant, le patient était dehors, délirant et dans "mon" ambulance. Comme il était plus ou moins calme, j'accepta de le transporter. Heureusement qu'il avait bien voulu monter dans l'ambulance, car je n'avais aucun document me permettant de le transporter contre son gré. Rien n'avait été fait en amont. Durant les 4 heures du parcours, l'infirmière et moi avons pu voir le patient lire la bible, parler à Dieu (ce qui n'est pas donné à tout le monde), faire de grands gestes et parler de façon incompréhensible. Je ne vous raconte pas le soulagement quand nous l'avons laissé au psychiatre.
C'est toujours le même problème avec les patients psychotiques en rupture de traitement, on ne sait jamais à quoi ils pensent et comment cela va évoluer. Pour peu q'une voix leur disent qu'on leur veut du mal... En plus, l'infirmière avec qui je faisais équipe venait de se faire opérer des hanches. Je la voyais bien se jeter sur le patient ou le maintenir avec ces petits bras musclés...
Allez, demain, un petit avion sanitaire pour aller chercher en Slovénie une polytraumatisée, au moins avec ces vertébrés et ces cotes fracturées, on ne risque pas grand chose...

mercredi 18 juin 2014

Grave et incurable

Alors que le procès de l'urgentiste Bonnemaison bat son plein et que resurgit le débat sur la prise en charge de la fin de vie, j'ai reçu une patiente comateuse il y a quelques jours. Suite à un accident vasculaire cérébral au cours du mois d'avril, elle avait perdu en autonomie alors qu'elle avait déjà des troubles cognitifs. Sa famille l'avait alors placée en maison de retraite dont le médecin avait augmenté la veille les doses des benzodiazépines. Et voilà, notre patiente comateuse arrivant au déchocage avec des directives anticipées demandant de ne pas la réanimer. Son état semblant être d'origine médicamenteuse, je demande à mon infirmier de lui administrer un antidote et là, au bout de 2 à 3 minutes, la patiente ouvre spontanément les yeux et nous parle. Je me dis qu'il ne suffit plus qu'à attendre qu'elle élimine ses benzodiazépines et elle pourra alors rentrer dans sa maison de retraite.

Hier, je décide de prendre des nouvelles et là, surprise : les enfants de la patiente n'ont pas compris qu'on ait administré un antidote, vu qu'ils avaient donné des directives anticipées demandant de ne pas la réanimer. Hallucinant, si ils désirent la tuer, autant utiliser l'oreiller, ce sera plus rapide. La loi Léonetti permet l'administration par les médecins de traitements anti-douleur permettant de soulager la souffrance avec pour "effet secondaire d'abréger la vie" d'un malade en "phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable". Dans le cas de ma patiente, ce n'était pas le cas : pas de traitement anti-douleur, pas de souffrance, pas de phase terminale ou d'affection grave et son coma était curable. Si il ne voulait pas qu'on la réanime, il ne fallait pas nous l'envoyer. Et les directives anticipées ne signifient pas qu'on ne doit rien faire. En général, les familles nous remercient d'aider leurs proches surtout quand cela est curable aussi facilement et aussi rapidement. Peut être qu'une assurance vie ou un héritage étaient en jeu...

Autant il nous fut facile d'aider cette patiente, autant on s'est battu ce matin pour finalement aider d'autres patients. En fin de garde : départ smur pour un accident "2 roues avec pâleur - saignement important". Cela fait longtemps que je n'avais plus fait un AVP vraiment grave.

A notre arrivée sur les lieux, je ne comprends pas l'accident. La moto est loin du motard et je ne vois pas d'autre véhicule accidenté. Il fait jour, chaud et sec. Comment s'est passé l'accident ? Les pompiers ne savent pas. J'examine le patient : visage en sang avec des plaies multiples, sang sortant de l'oreille gauche, de la bouche et du nez, inconscient, respiration lente, pouls rapide, tension très basse, déformation du bras et de la cuisse gauche. Faut qu'on fasse vite, très vite. Surtout le perfuser pour le remplir. Les pupilles ? Mydriase aréactive. Je me dis que c'est foutu... Mais ce n'est pas une raison pour ne pas faire son travail. Je donne les consignes à mon infirmier qui sait bien ce qu'il a faire et il ne va pas chômer : 2 voies veineuses, entretien de la sédation, préparation d'une pousse seringue d'amine, dosage régulier de l'hémoglobine. De mon côté, devant l'état critique, je décide d'intuber le patient. Une fois les attelles, ceinture pelvienne, collier cervical, voies veineuses mis en place, on peut filer. Trente minutes sur place : on a bien bossé ; le pouls a diminué, la saturation est bonne ainsi que le CO2 expiré, reste la tension artérielle qui est très élevée maintenant. L'état initial nous a fait demandé du sang qui est arrivé et qu'on passe tranquillement. Mais finalement, le patient répond bien au remplissage : il ne doit pas tant saigner que ça.
Une heure après être parti de notre base, on arrive au déchocage. On est dans les temps. On transmet notre patient aux réanimateurs qui à leur tour bossent à fond. Nous restons pour avoir le bilan lésionnel. Un téléphone sonne plusieurs fois dans le sac du patient, je finis par le prendre : il affiche plusieurs appels de "mon ange"... Surement sa copine... Ce n'est pas à moi de lui annoncer ce que le scanner finit par nous montrer : le cerveau est inondé de sang et le tronc cérébral est atteint... Ne restent plus que les organes à sauver pour pouvoir sauver d'autres patients...

25 ans... Fin de vie... Cette fois-ci, c'était bien "grave et incurable"...

dimanche 8 juin 2014

Avion-taxi - 2 -

Vous vous êtes blessé à l'étranger et vous avez demandé un taxi. Pas de problème, on arrive en avion.
Hier, nous sommes partis chercher une première "mamie" avec une fracture du cotyle à Vienne. Elle était tombée le dernier jour de son "raid" 2 cv en Europe de l'Est. Elle était adorable, drôle et fort sympathique. Avec 2 voitures, elle et ses amis avaient visité Sofia, Budapest,... Maintenant, avec sa fracture, elle ne pouvait se déplacer qu'à l'aide de béquilles. Aussi, alors que l'on avait prévu un matelas coquille, je ne me voyais pas l'utiliser ; cela n'aurait pas été agréable pour elle et la chaise des ambulanciers était trop large pour rentrer dans l'avion. Finalement, elle monta à reculons en s'asseyant sur les marches.
Puis, nouveau départ pour la Bavière, en Allemagne : cette fois-ci, nouvelle "mamie" avec une fracture du fémur. Un peu plus âgée que la première, un peu moins autonome également. A la place de béquilles, elle avait droit à un déambulateur. Cette fois-ci, pas possible qu'elle monte comme la première. Heureusement, l'aéroport possédait cette fois-ci une chaise rentrant dans l'avion. Et, à l'aide des ambulanciers, la patiente put s'allonger à coté de la première en moins de deux.
Et voilà, nos 2 mamies qui se mettent à discuter : de leurs problèmes de santé, de leur voyage, de leur mari. Elle se mettent à comparer les soins en Allemagne et en Autriche, la nourriture, l'accueil des hôpitaux,... Elles se sont tout de suite bien entendues. Nous, pendant ce temps là, on lisait, discutait, plaisantait, buvait du café. Tranquille, quoi... Elles ont fait la sieste le temps du retour.

Une fois en France, on déposa nos 2 mamies l'une après l'autre aux ambulanciers. Que du bonheur.

Pas loin de 5 décollages-atterrisages avec le bruit des moteurs tout du long, mais bon, on va pas se plaindre...

vendredi 6 juin 2014

Avion-taxi

Encore une semaine de dispo pour des rapat avec l'espoir de partir loin et rien, nada... Sauf demain, nous partons pour faire de l'avion-taxi. Un avion sanitaire affrété, tout équipé en matériel de réanimation, oxygène, DSA, aspi et autre avec un infirmier et un médecin des plus qualifiés (si on ne peut plus s'envoyer des fleurs maintenant...) pour aller chercher 2 personnes en Autriche et en Allemagne pour les ramener à leur domicile. Le meilleur est que ces personnes nous seront amenés directement sur le tarmac de l'aéroport et qu'une ambulance viendra les chercher au pied de l'avion dès notre retour. Notre rôle sera de les mettre dans l'avion, de les surveiller pendant le vol puis de les sortir du même avion (tant qu'à faire...). Avion-taxi, je vous dis...
En plus, les pathologies sont de la traumatologie. Pas de surveillance excessive nécessaire. Peut-être une analgésie à mettre en place.
Tranquille, quand je pense aux 24 heures qui m'attendent 2 jours après ce râpât... Cela ne sera pas la même histoire... Pas de café ni de croissant le matin, pas de plateau repas préparé, pas de revues récentes à lire (j'ai pu lire récemment aux urgences une revue de 2005 qui parlait de Whitney Houston et de Michaël Jackson : j'ai eu comme un sentiment de "Retour vers le futur"), et du patient à examiner, traiter, soigner et diriger... Alors que demain, je n'en verrais que 2, au cours de la même amplitude horaire, j'en verrais probablement 20 aux urgences. Sacré ratio...

Alors, si un jour, vous vous faites mal à un orteil (surtout le 5ème...), n'hésitez surtout pas, je viendrais vous chercher avec grand plaisir et ce sera tout confort.

lundi 2 juin 2014

Drôle de boulot

La semaine dernière, malgré 5 jours de disponible pour un éventuel rapatriement : rien... sauf... jeudi avec un départ immédiat pour 17h après un appel à 15h30. Plus qu'à rouler à donf sur l'autoroute pour rejoindre au plus vite la base pour attraper le taxi m'emmenant à la gare pour que je puisse prendre un train pour Toulouse. Arrivée tard dans la nuit, pas le temps de voir le Capitole. Après quelques heures de sommeil, les ambulanciers passent me prendre pour qu'on puisse emmener un bébé de 2 mois et sa mère (heureusement). L'enfant avait subi une intervention pour une mastoïdite et était encore traité par antibiotique. Adorable et tranquille, il a quasiment dormi durant tout le trajet. A moi de lui administrer les antibiotiques par voie intra-veineuse. J'ai pu discuter avec sa mère de 40 ans qui était passée par une fécondation in-vitro pour avoir son bébé. Et avait bien l'intention de recommencer. Hormis le peu de sommeil, ce fut assez agréable.

Par contre, le lendemain, changement de programme : trial 4 x 4 que la cadre de santé de mon service m'a demandé de médicaliser. J'ai plutôt l'habitude de m'occuper de course à pied en montagne avec des participants au top, affinés, s'entraînant depuis plusieurs mois, équipés parfois de vêtements techniques denier cri. La nourriture fournie est composée de salade, de fruits secs, de barres de céréales. L'ambiance est sereine et saine. Un trial 4 x 4 m'a fait le sentiment d'avoir basculé du côté obscur. "Athlètes" gras du bide, avec des vêtements sales, gras et à l'humour gras. En fait, tout est gras chez eux. Mais sympathiques (heureusement). Ils ne sont pas entrainés physiquement mais ont passé de longues heures sur leur machine : voitures de série, certaines améliorées, ou "proto". Evidemment, peu avait un certificat médical dument rempli. Aussi, j'ai passé la matinée à examiner les concurrents et à signer des certificats médicaux. Le repas prévu était "frites - côtes de porc grillées - tarte aux pommes". Une fois lancés, les 4 x 4 devaient franchir différents obstacles : mur en béton, souche d'arbre, fossé, tuyau. Les protos étaient impressionnants mais les voitures de série étaient plutôt pitoyables avec notamment une Fiat Panda 4 x 4 conduite par un homme de 150 kilos au volant (il faut le voir rentrer dans sa voiture...) qui s'est retrouvée bloquer dans un fossé dès la première épreuve suivie par une Lada 4 x 4 qui a, quand à elle, perdu son différentielle arrière ainsi qu'un de ses amortisseurs arrière. Du coup, intervention à nouveau de la dépanneuse. Pendant ce temps-là, la bière coulait à flots : la 11ème gratuite après 10 achetées. Cela donne une idée de la consommation moyenne. Certains étaient déjà bien cuits dès l'après-midi et j'avais l'impression qu'on était plus là pour nous occuper des ivresses aiguës que des accidents potentiels. L'un d'entre eux venait nous voir à la tente de la Croix Rouge après avoir bu pour discuter puis s'allonger pour ensuite retourner au bar au bout de 30 minutes et ainsi de suite. Quelle endurance !! Bref, ce jour ne fut que poussière, bruit et bière...

Et pour varier les plaisirs : nuit hier aux urgences. Je pus prendre le smur ce qui m'a permis d'intervenir pour une crise convulsive ne cédant pas au bout de 10 minutes. A peine arrivés, on entend beaucoup de bruit, de cris dans une maison encombrée de choses diverses et variées. On nous fait monté à l'étage où nous découvrons les pompiers patientant à l'entrée d'une chambre. Dans cette dernière, une dame allongée sur le lit, hurlant et criant en portugais avec un jeune homme et une jeune fille allongés sur elle. De crise convulsive, nous étions en fait en face d'une crise d'hystérie sous l'effet de l'alcool avec menace de défenestration de la mère qui venait d'apprendre que sa fille de 16 ans était enceinte... Superbe ambiance... D'autant qu'évidemment, elle refusait d'être transportée et moi, je ne pouvais pas prendre la responsabilité de la laisser sur place avec cette notion de tentatives de défenestration... Alors, nous n'avions plus le choix et nous allions devoir lui faire une piqure de sédatif. Subitement, elle accepte mais désire fumer avant. Bonne idée, car devant son gabarit, cela évitait aux pompiers de devoir la descendre dans l'escalier étroit. Mais à peine avait-elle descendu quelques marches qu'elle se mit à courir. Les pompiers purent la rattraper rapidement et l'emmener dans leur véhicule. Tout ça pour ça...

Quel drôle de boulot parfois...

mardi 20 mai 2014

Savoir tout sur tout

Aujourd'hui : formation en urologie dédiée aux urgentistes et réalisée par les chirurgiens urologiques. Ces derniers, d'astreinte la nuit en ont assez d'être réveillés pour des problèmes qui leur semblent banaux et qui ne nécessitent pas de les appeler. Aussi, ils nous ont formé à gérer les principales pathologies et problèmes que nous sommes amenés à rencontrer dans notre pratique. Ce fut très intéressant et le chirurgien qui faisait la présentation prenait le tout avec humour et légéreté. Il nous répétait sans cesse : "C'est facile et il ne faut pas avoir peur".
J'adore apprendre et en savoir plus. Mais voilà, les urologues nous forment en urologie, les ophtalmologues nous demandent de prendre en charge les urgences ophtalmo (sans qu'on sache utiliser et encore moins appris à utiliser une lampe à fente), les ORL ne veulent pas se déplacer même lorsque l'on fait face à une épistaxis sous AVK ou anti-agrégants ne s'arrêtant pas malgré plusieurs méchages, les gynécologues nous demandent d'examiner et de faire un toucher vaginal alors qu'ils vont le refaire après, les chirurgiens viscéraux ne comprennent pas qu'on n'incise pas les abcès même profonds, les chirurgiens orthopédistes nous demandent de réduire les fractures aux urgences,...

Bref, ce que je veux dire est que les spécialistes nous demandent tous de savoir gérer les pathologies relevant de leur spécialité que l'on peut rencontrer aux urgences. D'ailleurs, la mode chez les urgentistes, en ce moment, est de se former à l'échographie justement pour pallier au manque du radiologue la nuit (mais aussi, pour mieux apprécier un polytraumatisé sévère heureusement).

On pallie au manque de spécialiste et à leur manque de disponibilité. Les pathologies que l'on traite leur semble facile à gérer. Normal, ce sont eux, les spécialistes. Mais, nous, nous n'avons pas leur formation, leur pratique ou leur expérience. Nous ne pouvons pas savoir tout sur tout. Et chaque spécialiste nous traite comme des incapables, ne pouvant rien faire sans eux... C'est frustrant et déstabilisant. Lorsqu'une urgence vitale arrive dans leur secteur, ils font appel à nous. Il m'est arrivé d'intervenir pour un arrêt cardiaque survenu devant le chirurgien viscéral sans que ce dernier n'ait fait le moindre geste de réanimation. Je ne lui ai pas fait la remarque qu'il aurait quand même pu masser. Je ne lui demande même pas d'intuber, alors que lui-même nous demande d'inciser les abcès profonds...

Plus le temps passe et plus il faut qu'on sache gérer la base de tous les spé en plus de notre spécialité.

Serons-nous couvert si une erreur médicale survient ? Que pourra-t-on répondre quand le juge nous demandera : "Pourquoi n'avez vous pas appelé le spécialiste ?", "Etiez vous formé à faire cela ?"

Pourquoi le faisons-nous alors si c'est dangereux ? Parce que quand vous avez le patient en face de vous, vous désirez lui apporter une solution rapide...

Cela et la réunion de service du matin pendant laquelle nous avons appris qu'il nous manquait plusieurs médecins, qu'il n'y avait pas de recrutement dans l'immédiat et que les médecins smuristes allaient devoir s'occuper du tri à l'accueil et du déchocage en plus de la filière longue... Bref, tout cela me fait prendre conscience (encore une fois) qu'il vaut peut-être mieux quitter le bateau avant qu'il ne sombre définitivement.

Le plus dur est le premier pas...

lundi 19 mai 2014

To be continued

Jeudi, 24 heures aux urgences... Tranquille, pas trop de monde et pas d'urgence. La plupart des problèmes que je traite sont chroniques :

  • un traumatisme du pouce depuis un mois et demi avec des douleurs de plus en plus importantes que le médecin traitant ne sait plus comment traiter. Un interrogatoire poussé et un examen du doigt en question met en évidence un abcès collecté sous-ungéal pas visible au premier regard. Excision, évacuation, méchage...
  • des adénopathies cervicales depuis 5 mois qu'à priori, le médecin traitant banalise (selon la patiente). Que lui proposer alors qu'elle vient à 22h ? Déjà, je passe beaucoup de temps à lui expliquer "que je suis urgentiste, et que je traite (du moins j'essaye) des urgences", ensuite, un bilan qu'elle fera en externe.
Bref, on a le sentiment que si on enlevait toutes ces "urgences relatives", on ne ferait plus grand chose.

J'en ai profité pour prendre contact avec le médecin responsable de l'hospitalisation à domicile (HAD), qui m'a expliqué son travail. Permettre à un certain type de patients de bénéficier de soins et de traitements qui sont administrés habituellement en milieu hospitalier, à leur domicile. Aussi, elle prend en charge des chimiothérapies ainsi que des soins palliatifs. Elle organise le retour à domicile, prévoit tout ce qui est nécessaire pour que cela se passe au mieux : lit médicalisé, nursing, kiné, aspiration, extracteur d'oxygène. Elle m'a parlé du lien avec le patient et la famille, du suivi réalisé par les infirmières de l'HAD. C'était une des raisons pour lesquelles j'ai préféré les urgences : pas de suivi du patient, pas de prise de tête avec les familles, pas de maison de rééducation ou de retraite à trouver. Et voilà, que finalement, c'est peut-être ce que je vais retrouver. C'est surtout un moyen de quitter les urgences, de ne dépendre que de moi, d'être mon propre chef, quoi. De pouvoir organiser mon temps comme je l'entends, de ne plus faire le boulot des autres. Il y a beaucoup à faire dans mon service d'urgences, mais je me sens découragé et fatigué. Il est temps de changer, de profiter de l'occasion qui se présente à moi. Et si cela ne me plait pas, je pourrai toujours retourner aux urgences.
J'aime mon travail des urgences, mais tous les à-côtés me prennent de plus en plus la tête et changer de registre me permettra de respirer. J'ai bien envie de suivre une formation en soins palliatifs l'année prochaine également.

To be continued...

samedi 10 mai 2014

Toute vie a une fin - suite et fin... -

Parfois, on a comme l'impression que le hasard fait bien les choses. Etant encore de smur avec la même infirmière que la dernière fois, nous revoilà déclenchés à nouveau pour une "fin de vie". Même motif de départ, même adresse et donc... même patient. Connaissant déjà la situation, on préfére cette fois téléphoner au samu afin d'en savoir plus. Ce dernier a été contacté par une infirmière responsable des soins palliatifs du patient et qui demande qu'une équipe intervienne pour "soulager le patient". Me rappelant bien le patient inconscient, déshydraté, fiévreux, je demande cash au médecin régulateur : "Tu me demandes de l'achever ?". Question provocatrice et inutile, mais je ne voyais pas pourquoi on y allait sinon.
Bref, nous revoilà parti. La Lune est à son premier quartier. Toujours pas d'étoiles...
Arrivés au domicile, la famille nous reconnait et semble plus apaisée que la dernière fois, rassurée également d'avoir affaire aux mêmes personnes. Tout comme le patient dont le visage est calme. Toujours inconscient, toujours pas alimenté, mais cette fois-ci, une équipe de soins palliatifs est passée et a mis en place morphine, scopolamine, nursing, extracteur d'oxygène. J'examine à nouveau le patient et pas besoin d'être bien sorcier pour se rendre compte qu'il fait des pauses respiratoires et que la fin est manifestement très proche.
La femme nous demande si il souffre et si il ne faudrait pas lui administrer quelque chose. Son époux ne semble pas souffrir et a déjà des effets secondaires dus à la morphine. Lui injecter quoi que ce soit risquerait de "l'achever". On sent bien que ce serait plutôt l'épouse qui serait soulagée.
On prend le temps de discuter et voir le patient dans son état nous fait de la peine. Aussi, nous décidons de lui administrer en sous-cutanée un peu de morphine. Au bout de plusieurs minutes, tout est fini et je n'ai plus qu'à remplir le certificat de décès.
Après les quelques mots de convenance, nous décidons de rentrer, la famille nous remerciant infiniment.

Que penser de tout cela... Je regrette que ce patient et sa famille n'aient pas été pris en charge dans de meilleures conditions, cela est aussi le cas pour beaucoup de personne en fin de vie. Dans ce cas, la famille a été très présente et désirait que tout se passe à leur domicile, ce qui ne fut pas le cas d'une autre patiente en phase terminale d'un cancer, amenée par une ambulance dans la même journée sur la demande de sa famille qui ne désirait pas qu'elle décède chez elle, dans son lit. Ce qui se passa au déchocage sur un brancard entouré de personnes qui ne la connaissaient pas depuis plus de 30 minutes.

Il parait que l'HAD de mon hôpital recherche un médecin et aimerait développer les soins palliatifs. Une piste à creuser peut-être...

mercredi 7 mai 2014

Toute vie a une fin, mais tout dépend de la fin...

Alors qu'une fois que j'avais enfin fait ma part de boulot aux urgences (vider toute la filière rapide et la pédiatrie), alors que je n'aspirais qu'à m'étendre vu que 2 heures du matin venait de passer et qu'un rapatriement m'attendait dés mes 24 heures finis, voilà que le bip annonciateur d'une sortie SMUR et surtout d'une possible nuit blanche, retentit. Autant l'entendre en journée me satisfait. C'est le bruit d'une sortie, de la possibilité de faire quelque chose d'intéressant, de prendre l'air... Autant l'entendre la nuit me déplaît. Cela signifie potentiellement alcoolisme, agression. Tout est plus difficile la nuit : joindre un spé, trouver une place, appeler la famille... D'autant qu'une fois ramené à l'hôpital, il faut continuer à gérer le patient ce qui peut prendre plusieurs heures. Donc autant dire qu'une seule sortie en nuit peut suffire pour passer une nuit blanche. Le lendemain s'annonce alors bien plus difficile.
Nous voilà partis dans le véhicule en plein milieu de la nuit. La lune est à son premier croissant. Pas d'étoile... Je prends la fiche et lis : "fin de vie"... Cela me fait toujours un drôle de sentiment : "fin de vie" et SMUR sont 2 mots qui ne vont pas ensemble. Dans l'acronyme SMUR, il y a le "R" qui signifie "réanimation". Et ce qui est sur est que je ne vais pas réanimer une "fin de vie". Donc, soit le SAMU nous envoie pour un problème aigu à régler chez une personne mourante soit il va falloir gérer cette "fin de vie" (je vous laisse deviner ce que cela sous-entend). Dans tous les cas, le plus difficile n'est jamais le patient, mais la famille. A t'elle été mise au courant de la décision de soins palliatifs mis en place, est-elle prête à affronter cette fin de vie et donc la mort chez eux ? Il nous faudra répondre à leurs multiples questions, leur angoisse, leur peur, les rassurer, leur expliquer notre rôle, la limitation des soins que l'on pourra pratiquer. Heureusement, cette nuit, nous constituons une bonne équipe avec la meilleure infirmière que j'ai jamais vu dans un service d'urgence. Je sais qu'elle saura écouter, m'appuyer sans me contredire, intervenir quand cela sera nécessaire sans faire doublon. Je pourra compter sur son expérience et sa connaissance des réseaux locaux.
En gros, cela devrait bien de passer, car même si techniquement ce n'est pas compliqué de gérer une telle situation, c'est le stress de la famille qu'il est difficile à gérer.
Une fois sur les lieux : je regarde comme d'habitude le quartier, le terrain, la maison. Le nom et le prénom du patient sonne hollandais. La maison est contemporaine et grande. Donc, quelqu'un de fortuné, donc potentiellement un certain niveau d'éducation donc famille potentiellement cortiquée donc explications mieux comprises. Un pompier nous attend. Je me présente. "Le chef d'agrés va tout vous expliquer". Bon, à priori, les pompiers sont désarmés. Pas étonnant, comme nous, ils sont formés à réanimer alors une "fin de vie", ils ne peuvent pas comprendre et encore moins agir. L'intérieur de la maison est simple et le mobilier contemporain. Ce n'est pas du premier prix, ça se voit tout de suite. Une dame typée s'avance vers moi. Je me présente. Elle m'amène auprès d'un homme allongée dans un lit médicalisé installé dans le salon. Une femme plus âgée ressemblant à la première est là : sûrement sa mère ainsi que 2 adolescents à la peau claire qui ne parlent qu'anglais : sûrement les enfants du patient venus voir leur père agonisant.
Je commence par écouter longuement la femme. Elle m'explique tout : le mélanome, la découverte des métastases hépatiques puis pulmonaires et cérébrales, les interventions, la chimiothérapie et la radiothérapie, puis la dernière hospitalisation à Genève et la décision de ne plus rien faire. Mais bon, voilà, il vous faut bien continuer à s'occuper du patient... Ils ont décidé d'un retour à domicile mais n'ont pas trouvé de médecin généraliste voulant s'en occuper. Rien d'étonnant à cela, ils ne sont pas formés à cela, eux non plus. Et voilà la famille devant faire face à la dégradation de l'état général du patient : perte de l'alimentation, trouble de conscience puis coma et ce soir, convulsions. "Va t'il mourir ?". Que répondre à cela ?
Après avoir écouter la famille, je m'occupe du patient : il geint, il doit souffrir... Pas de morphine dans son traitement. Il est déshydraté, pas de perfusion sous cutanée. Son tee-shirt est trempé, il respire mal et ça crépite à droite : il a du inhalé quand la famille a tenté de le nourrir et le voilà avec une pneumonie. Il est par ailleurs inconscient et paralysé à gauche. La palpation de l'abdomen le fait grimacer.
Le pauvre, c'est pas une vie et encore moins une fin de vie.
Mon constat est terrible et il y a tellement à faire.
Avec l'infirmière, on leur explique qu'on est là pour les aider et qu'on va faire ce que l'on peut. On leur explique qu'ils doivent prendre contact avec l'HAD, on administre de la morphine et prescrit un patch anti-douleur, on téléphone à la pharmacie de garde pour lui expliquer ce dont la famille a besoin. On leur donne toutes les coordonnées.
On a pris notre temps pour bien expliquer les choses et s'assurer qu'elles étaient bien comprises. Avant de partir, la jeune fille m'a parlé en anglais. C'est vrai qu'elle n'a sûrement rien compris à ce qui s'est passé. Je m'assois à côté d'elle et lui explique dans mon anglais approximatif ce que je pense de son père.
Puis nous sommes rentrés. Peu de temps après, nous sommes allés chercher un homme de 88 ans ayant fait un arrêt cardiaque récupéré...
C'est parfois bizarres les missions SMUR : entre l'un jeune, mourant à qui l'on ne fait rien et le vieux, mort qu'on s'obstine à réanimer...

mercredi 30 avril 2014

Tranquille

Alors que tout est tranquille en ce moment, c'est à dire que je n'ai fait aucun rapatriement en 3 semaines (dingue, personne ne se blesse ou tombe malade en vacances ??), enfin, on m'appelle pour un rapatriement sanitaire pour aujourd'hui. Yes, enfin, en plus en avion sanitaire avec une infirmière avec qui j'adore travailler et discuter. Cette dernière fonctionne un peu comme quoi, sans se prendre la tête avec des choses inutiles et en étant cash avec le patient ou les différentes équipes médicales que l'on rencontre. Alors que l'on nous demande souvent de prendre beaucoup de matériel (toujours au cas où...), on a tendance à s'alléger et à prendre surtout ce dont on aura besoin au cours de la mission. Bref, tout s'organise tranquillement. Cette fois-ci, le patient est âgé de 94 ans et est actuellement en Algérie. Notre mission (qu'on a accepté) est de le ramener à son domicile.
J'ai trouvé bizarre qu'un homme très âgé hospitalisé pour une altération de l'état général rentre directement à son domicile sans passer par un centre de court ou moyen séjour... Bon, surement qu'il n'avait rien de grave... Enfin, quand même, il a 94 ans, doit bien avoir quelques antécédents, ne doit pas être en pleine forme et en général, une hospitalisation a tendance à grabatiser.
Pour pouvoir y aller, il me fallait m'occuper de la baby-sitter, du rangement de la maison, de penser au repas du midi...
Et voilà, qu'alors que tout était prévu, on m'appelle dans la soirée pour me dire que la mission est annulée car le patient est décédé...

J'ai trouvé cela énorme qu'un patient devant rentrer le lendemain chez lui... décède... De toute façon, cela devait bien lui arriver, à 94 ans... et cela n'est pas trop prévisible. Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'à chaque fois que l'on va chercher un patient en Algérie, ce n'est jamais simple. D'autant que l'on ne peut pas pénétrer dans le pays. Nous devons rester sur le tarmac et le patient nous est amené par une ambulance et par un personnel ne connaissant pas le patient. Poser des questions ne sert à rien et souvent le dossier est très succinct avec peu d'examens complémentaires. A ce stade, il est difficile de laisser le patient et il faut bien faire avec ce que l'on a. C'est pourquoi on emmène toujours beaucoup de matériel.

Une fois, je suis parti pour aller chercher un patient âgé ayant fait un AVC. L'assistance m'avait affirmé qu'il était conscient et en voie de récupération de son hémiplégie. Une fois sur place, l'ambulance nous a amené un patient déshydraté, fiévreux, aphasique et ne répondant pas aux ordres simples. En plus, le patient n'avait pas été changé et sa couche était pleine... Incroyable de devoir s'en occuper sur le tarmac : l'essuyer, le changer, le perfuser, le remplir... Donc, forcément, maintenant, on a bien compris que le patient ne correspondra pas au bilan. Et du coup, faut dire que cette fois-ci, ils ont fait fort...

Bref, ce n'est pas encore cette fois que je ferais un rapatriement.

samedi 26 avril 2014

Urgentistes anonymes

J'ai récemment discuté par mail avec une ancienne collègue infirmière (qu'on appellera Louise) avec qui j'ai travaillé dans un autre hôpital. J'appréciais beaucoup de travailler avec eux : elle était toujours de bonne humeur, enjouée, compétente et drôle. Elle voyait le bon côté des choses et notamment des urgences. J'avais l'impression (à l'époque) qu'elle avait réussi à passer par dessus le sentiment d'inutilité que je ressentais. Un peu comme si elle avait passé un cap que je n'avais pas encore franchi : avoir suffisamment de recul envers les soins et les patients pour que rien ne nous atteigne. Mais hélas, je me suis trompé
Son message m'a fait froid dans le dos : après 15 années passées dans un service d'urgence, elle se disait "cassée, vidée, fatiguée, pauvre, endettée et la vue d'une mamie au fond de son lit, attendant le baiser de Saint Pierre l'émeut à peine". Elle se posait les mêmes questions que moi :
  - pourquoi cet épuisement ?
  - pourquoi ce sentiment de ne servir à rien ?
  - et puis, pourquoi alors que l'on a commencé ce travail pour être en équipe et pour les autres, n'éprouve t'on plus d'empathie ou de considération pour les patients ?

Cela engendre un sentiment d'auto-dépréciation : on ne se reconnaît plus. On pensait aimer les autres et vouloir tout faire pour les aider et voilà qu'une fin de vie nous fait plus penser à "nursing - lit à trouver" que "compassion et empathie". On a le sentiment de ne plus rien éprouver, limite d'être des monstres, incapables de ressentir le moindre sentiment pour autrui.
Ce travail, nous voulions le faire pour les rencontres qu'on pouvait y faire, les discussions qu'on pouvait avoir, le soulagement et les soins qu'on pouvait mettre en place. Nous voulions agir pour les autres et de façon efficace : ce qui correspond bien aux urgences. Mais nous ne nous attendions pas à la charge toujours plus importante de travail que ni la direction, ni les patients ne réalisent. Notre manque de considération pour les autres vient en retour du leur. On est juste humain, pas des machines : si on ne nous témoigne que des sentiments négatifs, il me semble normal qu'on ressente la même chose au final (je n'ose pas imaginer ce qui doit en être pour les policiers et gendarmes). Le moindre remerciement nous apparaît comme incongru mais tellement précieux.

Pour en revenir à Louise, cela faisait 2 mois qu'elle était en arrêt et au bout de 8 heures de travail, elle ne se sentait plus capable de continuer et son médecin l'a de nouveau mise en arrêt de travail.

Comme pour moi, elle ne sait pas quoi faire : elle aime son travail, mais n'arrive plus à travailler. Elle ne désire pas le quitter pour autant car ne voit pas ce qu'elle pourrait faire d'autre...

Louise n'est pas la seule à m'exprimer cette frustration et cette lassitude. On va finir pour créer un groupe de psychothérapie genre les "urgentistes anonymes" qui ont arrêté les urgences et essayent de  ne pas replonger...

lundi 21 avril 2014

Urgences vide ou pleine ?

La semaine dernière, je travaillais de nuit. Quelques jours avant, je me disais que ce serait tranquille, que j'arriverais frais pour bien bosser 4 - 5 heures avant de couper la nuit avec mon collègue. Douze heures : c'est pas si long, pas si compliqué.
Et pour autant, je préfère faire 24 heures. Au moins, j'arrive le matin en sachant que c'est toujours calme, je travaille toute la journée, je fais mon taf et je sais où j'en suis. Quand arrive le soir, je continue, je suis dans le rythme. C'est un peu comme un marathon : pour finir la course, tout est une question de mental.
Quand je ne fais que la nuit, plus arrive l'heure fatidique du départ, plus je stresse. J'imagine le bazar aux urgences, les box d'examen remplis de patient âgés et compliqués, le déchocage plein sans possibilité de le vider, les équipes smur dehors toute la journée avec le secteur "court" débordant de conjonctivite, de plaies à suturer, de fractures à plâtrer, le secteur pédiatrie plein de gastro-entérite, de rhinite, de fièvre (encore une fois, je parle de pathologie. Cela peut paraître réducteur, mais cela correspond au motif de recours inscrit sur nos ordinateurs).
Bref, plus l'heure tourne, plus la journée avance, plus je tourne en rond, plus je ne pense qu'à ça. Je commence à faire quelque chose, mais je n'arrive pas à m'y mettre totalement, je n'ai pas la tête à ça. Alors, plus qu'une solution, y aller, et voir de mes propres yeux l'état des urgences. Ainsi, j'arrive en avance, parfois avec plus d'une heure d'avance. Et là, je me sens rassuré. Je peux enfin me mettre au taf. Le monde aux urgences ne dépend plus que de ma capacité à gérer les patients.

Le pire est que cette nuit s'est bien passé. Tranquille comme cela ne le fut plus depuis plusieurs semaines.

Le lendemain, tout cela m'a "chiffonné". Comment ou pourquoi faire ce travail si cela me met dans cet état ? Est-ce normal de stresser après plus de 12 ans de métier, alors que je connais mon métier, que rares sont les situations qui continuent à me stresser, et que l'équipe para-médicale tient la route. En fait, au fond, qu'est ce qui me stresse ? Les patients... ou plus exactement le nombre important de patients. C'est ça, j'apprécie de faire des urgences en ayant du temps pour bien prendre en charge chaque patient.  Cela parait évident, tout le monde apprécie de travailler en ayant du temps pour le faire. Ce qui est peut-être propre aux urgences est qu'on gère des êtres humains, qu'un nombre important de patients à gérer signifie plus de pathologies graves, donc un temps de prise en charge plus long, donc un temps d'attente pour gérer le reste plus important, donc des gens mécontents, des cris, voire des insultes. Il faut alors courir, téléphoner, trouver des places d'hospitalisation, appeler les spécialistes qui ne comprennent pas qu'on ne sache pas faire ce qui relève de leur spécialité et tout engendre beaucoup de stress...

En fait, je pense que je suis fatigué et que je ne vois pas pourquoi je continue à m'infliger cela. Masochisme ?

Faut que je change de taf...