Alors que le procès de l'urgentiste Bonnemaison bat son plein et que resurgit le débat sur la prise en charge de la fin de vie, j'ai reçu une patiente comateuse il y a quelques jours. Suite à un accident vasculaire cérébral au cours du mois d'avril, elle avait perdu en autonomie alors qu'elle avait déjà des troubles cognitifs. Sa famille l'avait alors placée en maison de retraite dont le médecin avait augmenté la veille les doses des benzodiazépines. Et voilà, notre patiente comateuse arrivant au déchocage avec des directives anticipées demandant de ne pas la réanimer. Son état semblant être d'origine médicamenteuse, je demande à mon infirmier de lui administrer un antidote et là, au bout de 2 à 3 minutes, la patiente ouvre spontanément les yeux et nous parle. Je me dis qu'il ne suffit plus qu'à attendre qu'elle élimine ses benzodiazépines et elle pourra alors rentrer dans sa maison de retraite.
Hier, je décide de prendre des nouvelles et là, surprise : les enfants de la patiente n'ont pas compris qu'on ait administré un antidote, vu qu'ils avaient donné des directives anticipées demandant de ne pas la réanimer. Hallucinant, si ils désirent la tuer, autant utiliser l'oreiller, ce sera plus rapide. La loi Léonetti permet l'administration par les médecins de traitements anti-douleur permettant de soulager la souffrance avec pour "effet secondaire d'abréger la vie" d'un malade en "phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable". Dans le cas de ma patiente, ce n'était pas le cas : pas de traitement anti-douleur, pas de souffrance, pas de phase terminale ou d'affection grave et son coma était curable. Si il ne voulait pas qu'on la réanime, il ne fallait pas nous l'envoyer. Et les directives anticipées ne signifient pas qu'on ne doit rien faire. En général, les familles nous remercient d'aider leurs proches surtout quand cela est curable aussi facilement et aussi rapidement. Peut être qu'une assurance vie ou un héritage étaient en jeu...
Autant il nous fut facile d'aider cette patiente, autant on s'est battu ce matin pour finalement aider d'autres patients. En fin de garde : départ smur pour un accident "2 roues avec pâleur - saignement important". Cela fait longtemps que je n'avais plus fait un AVP vraiment grave.
A notre arrivée sur les lieux, je ne comprends pas l'accident. La moto est loin du motard et je ne vois pas d'autre véhicule accidenté. Il fait jour, chaud et sec. Comment s'est passé l'accident ? Les pompiers ne savent pas. J'examine le patient : visage en sang avec des plaies multiples, sang sortant de l'oreille gauche, de la bouche et du nez, inconscient, respiration lente, pouls rapide, tension très basse, déformation du bras et de la cuisse gauche. Faut qu'on fasse vite, très vite. Surtout le perfuser pour le remplir. Les pupilles ? Mydriase aréactive. Je me dis que c'est foutu... Mais ce n'est pas une raison pour ne pas faire son travail. Je donne les consignes à mon infirmier qui sait bien ce qu'il a faire et il ne va pas chômer : 2 voies veineuses, entretien de la sédation, préparation d'une pousse seringue d'amine, dosage régulier de l'hémoglobine. De mon côté, devant l'état critique, je décide d'intuber le patient. Une fois les attelles, ceinture pelvienne, collier cervical, voies veineuses mis en place, on peut filer. Trente minutes sur place : on a bien bossé ; le pouls a diminué, la saturation est bonne ainsi que le CO2 expiré, reste la tension artérielle qui est très élevée maintenant. L'état initial nous a fait demandé du sang qui est arrivé et qu'on passe tranquillement. Mais finalement, le patient répond bien au remplissage : il ne doit pas tant saigner que ça.
Une heure après être parti de notre base, on arrive au déchocage. On est dans les temps. On transmet notre patient aux réanimateurs qui à leur tour bossent à fond. Nous restons pour avoir le bilan lésionnel. Un téléphone sonne plusieurs fois dans le sac du patient, je finis par le prendre : il affiche plusieurs appels de "mon ange"... Surement sa copine... Ce n'est pas à moi de lui annoncer ce que le scanner finit par nous montrer : le cerveau est inondé de sang et le tronc cérébral est atteint... Ne restent plus que les organes à sauver pour pouvoir sauver d'autres patients...
25 ans... Fin de vie... Cette fois-ci, c'était bien "grave et incurable"...
Autant il nous fut facile d'aider cette patiente, autant on s'est battu ce matin pour finalement aider d'autres patients. En fin de garde : départ smur pour un accident "2 roues avec pâleur - saignement important". Cela fait longtemps que je n'avais plus fait un AVP vraiment grave.
A notre arrivée sur les lieux, je ne comprends pas l'accident. La moto est loin du motard et je ne vois pas d'autre véhicule accidenté. Il fait jour, chaud et sec. Comment s'est passé l'accident ? Les pompiers ne savent pas. J'examine le patient : visage en sang avec des plaies multiples, sang sortant de l'oreille gauche, de la bouche et du nez, inconscient, respiration lente, pouls rapide, tension très basse, déformation du bras et de la cuisse gauche. Faut qu'on fasse vite, très vite. Surtout le perfuser pour le remplir. Les pupilles ? Mydriase aréactive. Je me dis que c'est foutu... Mais ce n'est pas une raison pour ne pas faire son travail. Je donne les consignes à mon infirmier qui sait bien ce qu'il a faire et il ne va pas chômer : 2 voies veineuses, entretien de la sédation, préparation d'une pousse seringue d'amine, dosage régulier de l'hémoglobine. De mon côté, devant l'état critique, je décide d'intuber le patient. Une fois les attelles, ceinture pelvienne, collier cervical, voies veineuses mis en place, on peut filer. Trente minutes sur place : on a bien bossé ; le pouls a diminué, la saturation est bonne ainsi que le CO2 expiré, reste la tension artérielle qui est très élevée maintenant. L'état initial nous a fait demandé du sang qui est arrivé et qu'on passe tranquillement. Mais finalement, le patient répond bien au remplissage : il ne doit pas tant saigner que ça.
Une heure après être parti de notre base, on arrive au déchocage. On est dans les temps. On transmet notre patient aux réanimateurs qui à leur tour bossent à fond. Nous restons pour avoir le bilan lésionnel. Un téléphone sonne plusieurs fois dans le sac du patient, je finis par le prendre : il affiche plusieurs appels de "mon ange"... Surement sa copine... Ce n'est pas à moi de lui annoncer ce que le scanner finit par nous montrer : le cerveau est inondé de sang et le tronc cérébral est atteint... Ne restent plus que les organes à sauver pour pouvoir sauver d'autres patients...
25 ans... Fin de vie... Cette fois-ci, c'était bien "grave et incurable"...
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