mardi 22 octobre 2013

Vieux et... grabataire...

On vit de plus en plus vieux. Génial. De plus en plus de centenaires. Super !!!
Je me vois déjà à 90 ans en train de faire du vélo, faire mes courses au marché pour acheter des produits frais et faire un bon petit repas pour moi et mes proches, fêter mes 100 ans entouré de mes arrières-petits-enfants, partir en voyage voir de nouveaux paysages et faire de nouvelles rencontres...

Non, bien sur !!!!! Ce n'est absolument pas le tableau que je me fais du 4ème âge... Pourquoi ? Peut-être parce que les personnes âgées que je vois sont grabataires, déments, paralysés, déshydratés, infectées voire "sub-claquant". Et oui, aux urgences, nous avons la chance de recevoir des patients âgés :

  • amenés par leur famille parce que cette dernière ne peut plus assurer le quotidien (toilette, habillage, nourriture,...). Leur proche est devenir trop lourd à gérer ou agressif,
  • adressés par des médecins traitants car le patient présente une pathologie qu'ils n'arrivent plus à gérer en externe ou pour des examens complémentaires difficiles à organiser,
  • amenés par des pompiers ou ambulanciers pour chute, coma, erreur thérapeutique, fièvre,
  • adressés par des maisons de retraite, Ehpad, foyer-logement pour fausses-routes, fièvre, traumatisme, malaise,....
Le motif de recours le plus courant est malaise ou altération de l'état général. Comment peut-on parler d'altération de l'état général chez une personne de 95 ans grabataire et démente ? Il me semble que son état est déjà bien altéré. N'en jetez plus...

Ainsi, nous avons cette chance aux urgences d'être le déversoir de toute cette population âgée lourde et porteuse de pathologies chroniques (hypertension, dyslipidémie, diabéte, prothéses diverses et variées) avec plein d'antécédents en "-ectomie" (appendicectomie, cholécystectomie, hystérectomie, colectomie, thyroïdectomie,... : comment prendre du poids en une opération). Il nous faut alors découvrir un patient : ses antécédents, son histoire médicale, son milieu de vie (seul ou en famille, aide ménagére ? infirmière à domicile ? kiné ?), son traitement, son anamnése ("alors que s'est il passé récemment ?). Il nous faut l'examiner : "c'est nouveau ces œdèmes ?", "depuis quand vous toussez ?", "vous marchez ?", "on est en quelle année ?". Parfois, on nous répond, mais souvent on se sent bien seul. Et ce n'est pas facile de se faire une idée précise. On lance un bilan : biologie, radiologie ainsi qu'une thérapeutique : "dyspnée d'origine cardiaque ou pulmonaire ?", "coma médicamenteux, d'ordre étabolique ou vasculaire ?". On fait des paris en visant telle ou telle pathologie, ou alors on bombarde d'examen et de traitement... Mais dès le début de la prise en charge, une question taraude en permanence notre esprit : "que vais-je faire de cette patiente ?", "retour à domicile ?", "hospitalisation ?", "réanimation ? (le réa va me tuer...)".
Parfois, l'hospitalisation n'est pas nécessaire : la patiente est relativement en bonne santé, elle n'a pas besoin de l'hôpital mais plutôt d'un centre de rééducation ou d'un foyer court séjour. Mais trouver une place en urgence est illusoire et la famille ne peut plus ou ne veut plus la récupérer (d'ailleurs, elle est déjà partie vous laissant seule avec le patient). Il faut alors convaincre le service et les médecins que vous gardez telle personne pour hébergement... Cela fait cher la chambre d'hôtel... Souvent, vous hospitalisez en sachant que l'état général de la patiente ne s'arrangera pas forcément : personne ne la fera marcher, le repas lui sera apporté dans sa chambre, on lui mettra une couche pour éviter d'avoir à la mettre sur le bassin ou à l'amener aux toilettes. Ainsi, le patient qui ne fait pas d'efforts finira par devenir grabataire, incontinent, ne sachant plus s'alimenter seul. C'est pourquoi on ne désire pas forcément hospitaliser lorsque l'état clinique ne le nécessite pas... Mais allez faire comprendre ça à une famille fatiguée...

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