mercredi 2 octobre 2013

Pan, t'es mort

Un jour pendant mes longues études de médecine, le professeur a demandé à l'ensemble de l'amphithéâtre composé de jeunes cons futurs médecins qui avaient déjà vu un mort, un cadavre, un macchabée quoi. Un silence envahit d'emblée la salle puis quelques doigts se levèrent.
Mince, me suis je alors dit, je veux être médecin et je ne sais même pas comment je réagirais devant un mort...
Sur le coup, mes certitudes sur mon désir en mon futur métier s'ebranlérent. Si cela se trouve, je passais tout ce temps sur les bancs de la faculté pour me retrouver incapable d'exercer mon métier.

L'instant fatidique arriva lors des TP de dissection. Chaque étudiant devait disséquer une zone précise du corps humain.
On m'attribua la cuisse. Cool, ai je pensé, je n'ai qu'à ne pas regarder le visage et à rester concentré sur ma cuisse pour ne pas être dégouté.
En bref, je repoussais le moment...
En fin de TP, j'ai fini par lever la tête de ma belle cuisse bien découpée avec visualisation des artères, nerfs, veines et muscles et ai décidé de savoir à qui appartenait ce membre (respect tout de même à celui qui avait donné son corps à la science). Et là : j'ai vu une tête qui avait servi peu de temps après sa mort à de jeunes internes en chirurgie maxillo-facial : une grande partie du visage avait été incisée puis recousue ce qui lui donnait l'aspect de Frankestein après un match de boxe contre Mike Tyson : bardée de sutures, œdèmatiée avec de multiples hématomes. L'horreur... Jamais vu pire dans tous les films de genre que j'ai pu voir...
Depuis, j'ai eu mon lot.
J'ai vu suffisamment de gens rendre leurs derniers souffles. La première fois, je m'en rappellerais toujours : jeune interne de garde, une infirmière d'un service m'appela pour un patient en insuffisance cardiaque. En entrant dans la chambre, j'ai trouvé un patient inconscient ayant des difficultés respiratoires avec sa fille présente à ses côtés. Le temps de demander conseil par téléphone au médecin d'astreinte, quand je revins les voir, sa fille pleurait et j'ai pu voir nettement le patient prendre une grande inspiration puis expirer pour la dernière fois. C'était irréel : cela m'a tout de suite fait penser aux films dans lesquels les acteurs respirent profondément avant de mourir.
Depuis, j'ai vu des gens morts par ingestion de médicaments, par inhalation de nourriture ou de vomi, par pendaison, par pistolet, fusil, pistolet d'alarme, par couteau suite à un suicide ou par agression, d'autres par accident : en voiture, moto, vélo ou simple piéton, en randonnée, en ski, en parapente, en se noyant, certains par maladie : insuffisance respiratoire ou cardiaque, cancer, inhalation.
Mais, je ne pense pas encore avoir fait le tour de toutes les façons de mourir (par exemple, je n'ai pas encore fait un décès par choc avec un train. À priori, c'est les morts les plus longs que l'on peut avoir à déclarer : 150 mètres en moyenne), mais cela a développé en moi le sentiment de pouvoir mourir à chaque instant (car la très grande proportion des décès que j'ai constaté ne s'y attendaient pas) et un certain humour noir (pas apprécié à sa juste valeur selon moi...) qui m'a rendu un brin cynique.
Bref, alors qu'au début, j'appréhendais de voir des cadavres, j'ai l'impression maintenant d'être devenu un catalogue de toutes les différentes façons de mourir. Et cela n'est pas facile à placer en société ni vraiment apprécié (à sa juste valeur) en soirée. Dommage, car j'ai plein d'anecdotes croustillantes...

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