dimanche 24 novembre 2013

Espoir et désespoir

On peut voir de la "bobologie" toute la journée et d'un coup ou plutôt d'un bip, partir pour une urgence vitale, une vraie comme un arrêt cardiaque dans un hôtel. Forcément, les esprits s'affolent : un arrêt dans un hôtel : un homme avec sa maitresse ? Un arrêt en plein ébat sexuel ? Pourtant, une fois sur les lieux, on nous conduit dans... les cuisines... Et oui, alors que le patron de l'hôtel préparait le repas du soir, mort subite sans signe au préalable. Passée la stupeur et quelques minutes, le témoin a appelé le Samu et débuté un massage cardiaque. A notre arrivée : les pompiers sont présents et on poursuit la réanimation. Pas de choc électrique délivré, le patient a les pupilles dilatées et non réactives à la lumière. Bon, comme on dit "ça sent le papier bleu..." (expression vaguement médicale qui remplace l'expression "ça sent le sapin". On se différencie comme on peut...). Cela ne nous empêche pas de donner le maximum : massage cardiaque, intubation, ventilation, perfusion, adrénaline. Et là, au bout d'un quart d'heure, sans aucun choc délivré, l'ambulancier trouve un pouls. Et quel pouls : bien frappé. Ok, perdons pas de temps : tension, saturation, ECG, brancard, appel Samu, information auprès de la famille (ne pas rassurer pour ne pas donner de faux espoirs, mais ne pas conclure activement au décès même si le pronostic est péjoratif). Il faut faire vite pour l'emmener en coronarographie si les cardiologues donnent leur accord. Ce n'est pas si facile que de disposer tous les appareils sur le brancard : scope, défibrillateur, respirateur, oxygéne. On a beau faire attention, on se retrouve toujours avec des noeuds. Comme on était en cuisine, pas d'accès très pratique pour sortir : après avoir franchi une porte étroite, on est obligé de passer par dessus le bar encombré de verre et de bouteille de divers alcool. On lève le brancard avec tous les appareils dessus, on fait passer d'abord la bouteille d'oxygène, puis on pose le patient sur le bar, certains font le tour du bar pour récupérer le brancard puis on recommence la manoeuvre pour réussir enfin à poser le brancard sur ses roues.
Une fois dans le VSAV, on peut enfin commencer à rouler. Faut refaire un point sur les constantes : nouvelle prise de tension, nouveau ECG, vérification du respirateur.
Au bout d'environ dix minutes, dégradation du patient déjà instable sous amines. Chute de tension, baisse du pouls. Remplissage, bolus d'adré, mais hélas le coeur ne réagit plus et il me faut décider d'arrêter la réanimation et constater le décès. Même si un VSAV n'est pas destiné à transporter des patients décédés, on ne peut pas laisser le patient au milieu de nulle part, aussi on le déclare mort à l'hôpital.
En peu de temps, on passe par différents états d'esprit : l'attente d'une récupération, l'espoir lors de l'obtention d'un pouls, la lutte pour maintenir cet état, le désespoir, puis vient la résignation. Aussi, je n'ose pas imaginer ce que doivent ressentir les proches.

Plus tard, à peine le stress de cette intervention passée et après avoir vu quelques traumatismes d'il y a une semaine, nouveau départ pour plaie par arme blanche. Alors ça, ce n'est pas le motif de départ le plus courant.
De nuit, après s'être trompé 2 fois de rue et avoir marché 200 mètres dans la neige pour arriver dans une vieille ferme, on arrive auprès d'un homme qui a été attaqué par son voisin avec un sabre. Je ne pensais pas croiser Highlander ce soir-là. Evidemment, tout le monde est là : Smur, pompiers, gendarmes. Heureusement, les plaies sont superficielles mais nécessitent quelques points de suture que je réalise sur place pour éviter à tout le monde un aller-retour aux urgences. Pour le voisin : pas vu, pas pris... Les gendarmes me demandent d'emmener la victime car ils ne peuvent rien faire avant le lendemain pour l'agresseur qui serait pourtant chez lui : pas de cadre légal. Quand je pense qu'une heure avant, j'ai été réquisitionné par la gendarmerie pour un conducteur ayant fumé du haschich et qu'une personne armée d'un sabre ayanr attaqué son voisin ne soit nullement inquiétée... Bref, je dis aux autorités que ce n'est pas à la victime de partir et qu'il n'y a aucune raison de l'hospitaliser mais par contre pour le voisin, une petite HO ou une consultation psy... Evidemment, les gendarmes ont toujours raison et nous repartons en nous disant que l'on va pas tarder à revenir par ici.

Mais, le reste de la nuit fut calme... Bizarre...

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