lundi 23 mars 2015

Like Stephen...

J'apprécie beaucoup mon nouveau travail. Pas à pas, on avance avec les patients et leurs proches.
Comme ce que l'on fait avec un jeune patient de 37 ans atteint d'une sclérose latérale amyotrophique  (comme Stephen Hawking) qui, en 2 ans d'évolution, l'a rendu tétraplégique. La maladie est tellement évoluée que depuis les 6 mois de notre prise en charge, le patient ne peut plus parler ni avaler : dorénavant, il est nourri par le biais d'une sonde de gastrostomie et ne peut communiquer que par clignement des yeux : une fermeture prolongée des yeux signifie "non" et un papillonnement "oui". Pendant longtemps, il ne pouvait faire des phrases qu'en épelant tous les mots qu'il souhaitait dire à l'aide d'une pancarte où les lettres étaient disposées en 4 groupes de couleurs différentes. Récemment, il a fait l'acquisition d'un ordinateur avec commande oculaire, ce qui a beaucoup simplifié les échanges.
Dès le début, s'est posé le problème des directives anticipées. On en parlait en équipe avec les infirmières et les aides-soignantes. On savait tous qu'à un moment donné, on arriverait en bout de course, c'est-à-dire à la limite de notre prise en charge et qu'il faudra soit l'hospitaliser en réanimation lors d'un accès aigu avec une intubation soit le sédater... Dur... Dur...

Il n'a que 37 ans, marié, une fille de 19 ans en terminale qui doit passer son bac et un petit de 5 ans... Même si son corps ne lui obéit plus, il a encore toute sa tête. Régulièrement, je me demande comment il perçoit le monde qui s'agite autour de lui : Est-il frustré ? En colère ? Ou alors est-il désormais résigné et a t'il accepté son sort ? Il ne "dit" que le strict minimum, vu que le moindre mot à épeler prend une éternité. Son visage paralysé n'exprime aucune émotion. A sa place, j'aurai envie de tout casser et mon état paralytique ne ferait qu'exacerber ma colère. En bref, il est impossible de se mettre à sa place.

Pour aider le patient et son entourage à prendre une décision, on leur a donné les coordonnées d'un patient atteint de la même pathologie, trachéotomisé et vivant à domicile. Ce dernier a trouvé des aidants brésiliens qui ont été formés et sont payés pour être présents toute la journée. On leur a parlé d'autres patients, des structures existants, des formations nécessaires à effectuer pour l'entourage et les intervenants para-médicaux.

Ces dernières semaines, plusieurs événements nous ont fait craindre le pire avec la survenue d'épisodes de décompensation respiratoire et un sentiment d'étouffement du patient. Lors de ces moments de stress intense, l'épouse avait une attitude plutôt fuyante. D'un, on se rend compte qu'il va falloir qu'une décision soit prise. Et de deux, si la trachéotomie est décidée, on a peur que l'épouse ne soit pas partie prenante. On n'a jamais réussi à savoir ce qu'elle désirait réellement. On la comprend bien pourtant : si elle est contre la trachéotomie, elle condamne son époux. Elle ne peut pas l'exprimer sans avoir peur du jugement d'autrui. Malgré tout, à sa place, avec tout ce stress, cette angoisse, cette frustration de ne rien pouvoir faire, je me dirai que ma vie serait bien différente si tout cela s'arrêtait, que je pourrai totalement me consacrer à mon fils...

Récemment, le patient a émis le souhait d'être trachéotomisé. Je comprends son choix et ferai probablement le même à sa place : même si son corps ne lui répond plus, il pourra continuer à vivre et voir grandir ses enfants. C'est à nous d'organiser au maximum les choses pour qu'une fois, la trachéotomie faite, il dispose du maximum d'aides. Mais cela ne se fera probablement sans notre aide, notre service n'a pas pour but de prendre en charge des patients sur du long terme.

C'est dur de rester professionnel. Chacun a son ressenti.

jeudi 26 février 2015

Schizo et alors ?

En ce moment, nous rencontrons plusieurs cas d'éthique en HAD. Chose que je n'avais pas en médecine d'urgence, car malgré les décisions rapides à prendre, dès lors qu'un problème de conscience se posait, on temporisait pour que les médecins responsables du patient prennent eux-mêmes la décision.
Mais, maintenant, même si je suis médecin coordinateur, je suis le premier interlocuteur du patient et de sa famille. Aussi, nous sommes les premiers à nous poser les questions et prendre position, avoir une ligne directive claire est difficile et cela rend la prise en charge délicate autant pour le contact avec les patients et leur famille que pour le travail des infirmières et des aides-soignantes.

Telle cette patiente, 40 ans et schizophrène. Les aides-soignantes et les infirmières passent 2 fois par jour chez elle : cette dernière vit chez ses parents dans une ferme. La maison est surchargé de meubles de toutes sortes, de bibelots. Sa chambre est ainsi faite : remplie de fauteuils,  d'armoires avec des portraits du Christ et des croix un peu partout. Les parents sont impuissants et ne savent plus quoi faire, car leur fille après avoir fait une tentative de suicide au desktop et malgré une intervention chirurgicale visant à remplacer l'oesophage et l'estomac détruit, ne doit rien avaler par la bouche. En plus, elle refuse toute prise en charge. Elle nous dit un jour qu'elle veut mourir et le lendemain "aidez-moi" mais on ne sait pas ce qu'elle comprend car sa schizophrénie est de type paranoïde. Aussi elle croit qu'on veut l'attacher alors qu'on désire juste lui poser une perfusion pour l'hydrater ou qu'elle a le sida parce qu'on lui fait des examens. En tant que soignant, ils nous aient difficile de la laisser dans son état sans rien faire et on ne désire que l'aider alors que tout ce qu'elle nous renvoie n'est que suspicion. Elle est cachectique, la peau sur les os avec un regard intense, fixateur. Les infirmières nous disent que cela leur est douloureux de soigner quelqu'un qui ne le souhaite pas et qui n'apprecie pas leur travail, le temps qu'elles lui consacrent. En tant que médecin, on ne peut pas laisser mourir quelqu'un. Sa pathologie n'est pas fatale. Il s'agit juste de son délire et de son retentissement. Donc, comment faire pour l'alimenter et lui administrer un traitement pour sa schizophrénie ? On ne peut pas mettre de sonde naso-gastrique suite à son intoxication ; la patiente arrache les perfusions. Reste la pose d'une jéjunostomie. Elle en a déjà eu une et l'a même gardé plusieurs mois mais selon son dossier elle l'a arraché ce que contredisent ses parents. J'ai passé une matinée à lire les différents compte-rendus médicaux et opératoires et me suis rendu compte que depuis quelques années, tous les médecins ont baissé les bras d'impuissance et la famille s'est retrouvée seule avec leur fille. Chaque passage aux urgences se terminait par un transfert en hôpital psychiatrique où l'équipe n'est pas formée à traiter le côté somatique. N'ayant aucun passif avec la patiente, notre équipe a décidé de la prendre en charge après une énième pneumonie d'inhalation puis après consultation avec les parents d'organiser une réunion avec un psychiatre, gastro-entérologue, chirurgien digestive ainsi qu'avec un médecin responsable du comité d'éthique sans oublier infirmières, aides-soignantes et psychologues. Cette réunion a conclu qu'il y aurait des bénéfices à poser une jéjunostomie ce qui permettrait aussi de traiter efficacement sa schizophrénie.

On nous avait demandé d'intervenir au début pour des soins palliatifs, car comme la patiente refusait toute prise en charge et que les différents spécialistes ne savaient plus quoi faire pour elle, il fallait alors accompagner la fin de sa vie. C'est en prenant connaissance de la totalité du dossier, de la patiente et de son entourage que nous nous sommes dits que quelque chose pouvait peut-être être essayé. C'est là tout l'intérêt de notre travail.

C'est ce type de prise en charge que j'apprécie dorénavant : finies pour moi les voitures sur le toit à ramper pour accéder à la victime, finis les ongles incarnés à 4 heures du matin ou les douleurs évoluant depuis plusieurs mois sans consultation chez le moindre médecin. Prendre en charge une patiente, faire ce qu'il faut pour elle et sa famille, organiser au mieux sa prise en charge, voilà maintenant ce qui m'intéresse. Je pense avoir presque tourner la page des urgences. Toute chose a une fin...  

mercredi 14 janvier 2015

Carpe diem

Aujourd'hui, rapatriement tranquille pour une fille de 13 ans atteinte d'une myopathie. Maigre, petite, elle bouge encore un peu les coudes et les mains et ne respire la nuit que sous ventilation non invasive.

Alors que la prise en charge médicale était facile, c'est la partie technique qui a posé un problème. Il fallait que l'on transporte son fauteuil roulant électrique, lourd mais surtout très encombrant et ne rentrant pas dans l'ambulance. Il nous en fallait un de plus gros volume. Après plusieurs appels à l'assistance et à la compagnie d'ambulance, la solution trouvée fut de transporter le fauteuil dans un second véhicule jusqu'à un aeroport où nous attendrait une ambulance plus volumineuse. Déplacer le fauteuil fut à chaque fois une bonne occasion de se dire "faut que je fasse attention à mon dos"...
Une fois à l'hôpital d'arrivée, la patiente préféra qu'on la place dans son fauteuil et là, elle était aux anges : elle retrouvait son autonomie et filait à une bonne vitesse nous obligeant à marcher d'un bon pas.
A chaque fois que je transporte un enfant atteint d'une pathologie l'ayant obligé à séjourner de nombreuses fois à l'hôpital avec des soins lourds et parfois des interventions opératoires, je suis surpris par leur joie de vivre. Il accepte tout avec beaucoup de recul et de philosophie. Alors que le moindre problème survenant au cours du transfert me tracasse, rien ne semble les perturber. Et en plus, ils sourient et plaisantent. Malgré tout ce qui leur est arrivé, ils restent positifs et ne semblent pas se soucier de l'avenir. Ils pensent à leurs proches et me demandent souvent comment je vais ou si j'ai besoin de quelque chose (c'est le monde à l'envers).
Est ce un mécanisme de défense ? C'est à dire qu'en étant "insouciant", ils ne pensent plus aux soins ni à leur maladie ? Je ne pense pas, car l'angoisse doit bien les rattraper à un moment. Ils ne peuvent pas indéfiniment paraître joyeux ou positifs.
Est ce qu'ils sont ainsi pour rassurer leur entourage ? Leur montrer qu'ils sont face et que leurs proches n'ont pas à s'en faire pour eux ? Souvent, au début, les enfants préfèrent prendre sur eux pour ne pas voir leurs parents affectés par leur maladie parce qu'ils se sentent responsables de leur inquiétude. Mais, cela ne dure qu'un temps. On ne peut refouler indéfiniment l'angoisse ou la souffrance liées à la maladie et aux soins.
Tous les enfants que je transporte sont simples, ne semblant pas affecter par ce qui leur arrive. Ils profitent des petits moments, semblent émerveillés par un rien. Les gens qui les découvrent pour la première fois prennent un air affligé ou compatissant, n'arrêtant pas de demander comme ils vont ou si ils veulent quelque chose, n'osant pas plaisanter comme si le moment était grave, alors que ces petits ne demandent pas à ce que l'on leur rappelle leur maladie, ils désirent juste vivre et profiter. J'ai compris qu'il fallait être ouvert, discuter de tout et de rien comme avec n'importe qui d'autre et surtout profiter de rien et de tout.

mercredi 7 janvier 2015

La mort et moi, et moi et moi et moi...

Je pensais connaitre la mort. C'est une façon de parler : pour moi, la mort n'existe pas, c'est une vie qui s'arrête. Mais bon, parler de mort permet de se focaliser sur quelque chose, permet de trouver une sorte de coupable...
Ainsi, je pensais connaitre la mort : pour moi, elle était surtout brutale, sans pitié, perverse, parfois insidieuse. Comme on le dit de temps en temps, j'ai eu parfois le sentiment de me battre contre elle, d'avoir quelque fois gagné, souvent transitoirement. J'ai de nombreuses fois entendu les dernières paroles ou senti le dernier souffle d'un patient. Je déteste ça, cela me fait toujours froid dans le dos : soigner un patient qui finit par décéder devant moi. Paradoxalement, je préfère essayer de réanimer un patient en arrêt cardiaque que de me battre pour sauver quelqu'un qui finit par mourir.
Bref, je pensais connaitre la mort.

En fait, je me trompais...

En HAD, nous prenons en charge des patients en soins palliatifs. Cela fait plusieurs mois voire quelques années qu'ils se battent contre leur maladie, souvent un cancer. Quand on les prend en charge, le constat est terrible : la maladie a gagné. Tous les médecins ont baissé les bras et il nous faut maintenant que le patient puisse mourir "en toute dignité", comme ils disent...
Nous nous en occupons, mettons massage, nursing, morphine, oxynorm, nutrition, hydratation, scopolamine, oxygène pour finalement en arriver à l'hypnovel... Il peut se passer quelques jours voire plusieurs semaines avant que le patient décède. J'ai alors découvert la mort sous une autre forme que celle que je croyais connaitre. Celle-ci est la pire : elle a déjà décidé du sort qu'elle réservait à sa victime mais elle prend son temps, parfois beaucoup de temps, elle enlève toute dignité... Le patient perd ses forces les unes après les autres, maigrit, s'affaiblit, ne peut plus marcher, puis ne peut plus se laver seul, ni manger. Il ne sait plus qui il est, ne reconnait plus ses proches. Ces derniers s'épuisent, se relaient jour et nuit, pour finalement ne souhaiter plus qu'une chose à leur tour : que tout cela finisse. Et je trouve ça triste que même les proches en viennent à souhaiter la mort du patient. Quel sentiment de culpabilité et de honte cela doit être. Et je me dis que le soulagement qu'ils ressentent lors du décès et qu'ils attribuent à la fin des souffrances du malade, correspond en fait plutôt à la fin de leurs tourments et de leur souffrance psychologique... Bien sur, on n'en parle pas...

Bref, cette mort est lente, longue, douloureuse. J'ai parfois le sentiment qu'elle nous pousse à faire son sale travail : on augmente la morphine, l'hypnovel pour que "le patient ne souffre pas" tout en sachant que l'on risque aussi de provoquer un arrêt respiratoire et donc finalement le décès. Alors qu'aux urgences, je me battais contre elle et que toute notre énergie était ce que tout médecin est destiné à faire : sauver toute vie, et bien maintenant j'ai le sentiment de travailler avec elle et pire encore, pour elle. Elle est déjà là quand j'arrive au domicile d'un patient, elle attend tranquillement que l'on s'installe, fait souffrir le malade, lui fait oublier ses souvenirs, ses proches, lui provoque œdème, encombrement respiratoire, douleur qui nous pousse à intervenir de plus en plus jusqu'à la sédation "terminale" et l'issue fatale. Mais elle avait déjà tout planifié, tout prévu. Elle voulait juste que cela dure longtemps...

Maintenant, je connais la mort...

jeudi 1 janvier 2015

C'est Beyrouth

Je rentre d'un rapatriement sanitaire de Beyrouth. Beyrouth... On a tous en tête la vision d'une ville détruite avec immeubles éventrés, routes défoncées, voitures calcinées et population démunie et impuissante face au chaos qui l'entoure.
Forcément, j'avais très envie d'y aller et de pouvoir enfin voir cette ville à l'origine de l'expression maintes fois prononcée aux urgences : "C'est Beyrouth..."

Avant de se poser, l'avion longe la corniche. Arrivant de nuit, tout la ville est éclairée. Très éclairée, j'ai pu apercevoir quelques immeubles, qui n'étaient absolument pas détruits. Evidemment, depuis la guerre civile, les libanais ont eu le temps de reconstruire leur cité.

Au sol, après les contrôles d'usage à la douane et la récupération de mon matériel, j'ai trouvé mon chauffeur de taxi qui comme d'habitude après m'avoir dit bonsoir et demandé d'où je venais était arrivé à cours de son anglais.


Dans sa mercedes affichant plus de 320 000 kms et après avoir fait seulement 2 kms, nous avons été obligé de nous arrêter. Des bouchons... pourtant il était plus de 20 heures. Peut-être l'heure de pointe au Liban ? Mais après avoir passé plus de 30 minutes et n'avoir avancé que de 10 mètres, j'ai pu me rendre compte qu'il s'agissait en fait d'un contrôle militaire. Les gens étaient tranquilles, habitués on aurait dit. A l'approche du check point, ils allumaient le plafonnier de leur véhicule et baissaient leur vitre. Les soldats posaient quelques questions, contrôlaient l'intérieur du véhicule avec leur lampe torche puis passaient à la voiture suivante. Dix mètres plus loin, nouveau contrôle : guérite, sacs de sable, chicane, dos d'âne et pieux en métal... Dois-je me sentir plus en sécurité ? Ce sont des soldats, donc ils assurent notre protection, mais si ils sont là, c'est qu'il doit bien exister une menace quelque part... Arrivé dans le quartier où habite mon patient, mon chauffeur me dit avec un geste englobant les immeubles : "Hezbollah"... Je regarde : des boutiques de fruits et légumes, de vêtements, des femmes voilés passent avec leur enfant... Ce n'est pas vraiment l'idée que je me faisais du Hezbollah, cette image encore une fois véhiculée par les médias occidentaux d'hommes cagoulés en arme en guerre contre l'Israël et participant à la guerre en Syrie.

Nous trouvons la mère de mon patient qui m'emmène auprès de lui. Ce dernier a été victime d'un accident de la route au cours duquel il a été éjecté car non attaché à l'arrière du véhicule. Il a de multiples hématomes au visage et a un hématome extra-dural non opéré, une fracture du nez, de l'omoplate droite et des épineuses cervicales. Il est assez douloureux et souffre de vertiges. Mais surtout, il est très remonté contre le système sanitaire libanais. Evidemment, il vit en France... Il me raconte l'absence de bilan complet (juste un scanner cérébral alors qu'on aurait réalisé sans hésiter un body-scan en France), les fractures oubliées initialement, les manipulations sans plan dur, l'absence de traitement antalgique efficace, les nuits et les jours avec des vertiges et des céphalées intenses. Il a de quoi être énervé mais je ne suis pas surpris... Quand on voit l'état des routes, des voitures, des immeubles, comment pourrait-il y avoir un service sanitaire compétent... Il était tellement en colère qu'il avait demandé à être rapatrié le plus rapidement possible alors que même le médecin de l'assistance lui conseillait d'attendre encore une semaine.

Ainsi, dès le lendemain, je repasse le chercher et encore une fois, le chauffeur me dit : "Hezbollah". Faut vraiment que je demande des explications.

A l'aéroport après avoir enregistré leurs 5 valises et une fois posé au salon, je demande au patient et à sa mère à quoi correspond "Hezbollah".


Leur quartier était le lieu de résidence de membres du Hezbollah avec femmes et enfants. En fait, ce ne sont pas des intégristes, ils tolèrent d'autres religions et n'appliquent pas la charia. Ce ne sont pas que des soldats. Ils me parlent de leur ville, du centre-ville rebâti sans respect des anciennes constructions, de la corruption, de la guerre en Syrie aussi. C'est très intéressant et plus complexe que ce que l'on peut croire. Avoir le point de vue de personnes directement impliqués est différent des reportages que j'ai pu entendre à la télé ou des articles que j'ai pu lire.

Par la suite, le voyage s'est bien passé. Le patient une fois calmé par des antalgiques efficaces et posé dans son siège business à bord de l'avion, a pu s'endormir.

Comme souvent, je me dis qu'il faut absolument que je retourne dans ce pays un jour...

mercredi 5 novembre 2014

"Tu vas pas t'ennuyer ?"

Cela fait 2 mois que j'ai quitté les urgences. Enfin presque, j'y retourne pour une à 2 gardes par mois. Mais, je ne risque pas d'en faire plus.

Ainsi, depuis 2 mois, j'ai intégré l'équipe de l'HAD, c'est à dire l'Hospitalisation A Domicile. Nous sommes 2 médecins associés à 8 infirmières et 4 aides-soignantes. Rien à voir avec ma précédente équipe...
Quand les gens me connaissant ont su que je changeais de service, leur première réaction était la surprise puis venait la fameuse question : "Tu vas pas t'ennuyer là-bas ?".
Effectivement, j'ai toujours voulu faire des urgences pour les situations extrêmes que l'on pouvait rencontrer. A tel point que j'ai fait pendant plusieurs années du secours en montagne avec la sécurité civile.
Et voilà, que je décidais de me caser dans un bureau après des années de travail de terrain. Il y avait de quoi être surpris.

Et, le premier jour leur donna raison. Comme d'habitude, je me suis dépêché pour arriver. Ce qui n'était vraiment pas nécessaire...
8h30 : ma collègue me présente le logiciel du service et les points importants à noter
9h30 : café
10h00 : présentation d'un autre logiciel permettant les demandes d'admission de patient
11h00 : visite virtuelle des patients. On aborde enfin le côté clinique du travail.
Et... 12h00 : repas

Hallucinant, une matinée de travail et pas un seul patient vu. Cela ne mettait jamais arrivé.

Après le repas, staff permettant une visite virtuelle des patients puis retour au bureau pour contacter les spécialistes, les familles, les médecins traitants et ajuster les traitements en cours.

Les premiers jours à l'HAD, je ressentais une sorte de stress permanent, conséquence de mes années de travail aux urgences où j'avais pris l'habitude d'être en état de stress permanent que je gérais. Je me posais en salle de pause régulièrement pour souffler et parfois, je prenais un peu l'air. Ce stress était surtout la peur de ne pas faire face à un trop grand nombre de patient. Je n'ai jamais aimé que les gens attendent ce qui me faisait travailler de plus en plus vite avec un risque d'erreur et de fatigue. Tout cela, j'en avais pris conscience au fur et à mesure et pour éviter le burn-out et l'erreur médicale, j'avais décidé de partir. Maintenant, j'arrive serein. Je prends mon café, vais dans mon bureau et prends connaissance des transmissions des IDE. Puis j'ajuste quelques traitements, appelle quelques médecins ou service, prends en compte les demandes d'admission et rends visite à quelques patients. Tout cela tranquillement. Je me sens mieux, plus détendu.

Je ne fais plus non plus des nuits ou des week-ends ni de jour férié. Ainsi, je vais pouvoir pour la première fois depuis plus de 15 ans avoir Noël et le jour de l'an.

Et non, je ne vais pas m'ennuyer...

mardi 2 septembre 2014

Auckland - suite et fin -

Quand on m'appelait pour un rapatriement, je plaisantais en demandant : "Auckland ?" jusqu'à ce que cela m'arrive vraiment. Je n'aurais pas cru que cela possible. Et pourtant...
Ce ne fut pas simple pour autant. Il fallait que l'on ramène une patiente de 30 ans, tétraplégique depuis l'âge de 10 mois (et non, 10 ans comme mentionné dans notre rapport médical) ayant un escarre sacré surinfecté. Donc, pour la transporter, il nous fallait emmener un matelas coquille, imposant bagage qui voyage avec les objets "oversized", c'est à dire encombrants. Après avoir voyagé pendant plus de 24 heures (départ à 7 heures du matin pour une arrivée le lendemain à 23h30, heure locale), nous sommes enfin arrivés à Auckland, décalés et fatigués. Mais sans notre matelas coquille... Essayer d'expliquer au service bagages perdus en anglais ce qu'est un matelas coquille... C'est toute une histoire... Quelle taille ? Quelle forme ? Quelle couleur ? Et c'est quoi ?... Tout ça pour qu'on nous dise que finalement, il ne sait pas où il est et qu'il va falloir rappeler demain... Plus qu'aller à l'hôtel et là, surprise, au lieu de l'hôtel classe situé en plein centre-ville d'Auckland, voilà qu'on se retrouve logé à l'hôtel de l'aéroport et en plus pour 3 nuits, nous apprend la réceptionniste. Quelle idée !!! On ne va quand même pas faire les allers-retours en bus ou en taxi pour la visiter le centre-ville pendant 2 jours. Mais bon, fallait qu'on dorme et évidemment avec le décalage horaire, il était pour nous le milieu de l'après-midi et comme d'habitude, je me suis réveillé au bout de 4 heures. Comme après une sieste. Avec l'impossibilité de retrouver le sommeil. Tant pis, à 6 heures, je décide d'aller courir à la salle de sport. Cela me fait toujours bizarre de courir ou de nager à l'étranger alors que j'y suis pour travailler. Mais, j'adore ça !! Profiter de ce que les rapatriements m'apportent de différent : les buffets du petit, déjeuner,

Au petit déjeuner, nous décidâmes, l'infirmière et moi de changer d'hôtel et d'aller dans celui prévu initialement. Ne surtout pas oublier d'appeler le service des bagages de l'aéroport et l'assistance de notre changement. Nous ne regrettâmes pas notre modification de logement : magnifique hall, personnel attentif, chambres spacieuses, avec en plus une réceptionniste française. Grâce à elle, on a pu téléphoner sans souci d'incompréhension au service bagages.

Quel plaisir se fut par la suite de prendre son temps, de visiter Auckland, son musée, de se baigner dans la piscine intérieure chauffée, de manger dans des petits restos.


Le deuxième jour, finies les "vacances" et... toujours pas de matelas coquille. On apprit qu'il devait arriver le soir même à 22h40 alors qu'il nous fallait réceptionner la patiente à 20h et décoller à 23h50. Impossible de le récupérer pour s'en servir. On avait réfléchi à cette éventualité et heureusement pour nous, la patiente dénutrie ne pesait que 30 kgs : elle ne serait pas difficile à transporter mais il fallait par contre que le matelas reparte avec nous. Pour compliquer les choses, n'étant pas sur de nous, on a demandé à pouvoir le récupérer à notre escale de Singapour qui devait durer 7 heures.

Notre patiente ne pouvait que bouger la tête et légèrement les doigts de la main droite. Ses membres raides avaient des positions vicieuses. Elle était dépendante pour tout : pour la couvrir si elle avait trop chaud, la découvrir si elle avait trop froid, essuyer son visage et dégager les cheveux qui pouvaient la gêner, la changer tout en faisant attention que son masque de ventilation soit bien installé, pas trop serré et bien centré, lui donner à manger, à boire,... Nous ne fumes pas trop de deux pour assurer le nursing. Mais malgré tout, nous ne pûmes pas nous reposer.

Une fois installés à l'infirmerie de Singapour, je partis à la recherche de notre fameux matelas coquille (qui se dit "vacuum mattress" en anglais, toujours bon à savoir, je ne risque pas de l'oublier). Après plusieurs passages par le service bagage, sécurité, policier, on m'expliqua que je n'était pas dans le bon terminal, le "vacuum mattress" étant arrivé au terminal 2. Je dus recommencer toutes les démarches pour accéder à nouveau au fameux tapis roulant et surprise... notre matelas coquille nous attendait bien sagement. Quand je pense qu'au final, on ne s'en est même pas servi.

Après ce second vol de 13 heures, on était vraiment très fatigués et ce fut sous la nuit qu'il nous fallut transférer la patiente dans un avion sanitaire. Elle fut alors toute mouillée et dans l'espace confiné et avec une lumière blafarde, l'infirmière et moi durent la changer. L'assistance ne nous oublia pas pour autant en nous appelant quelques minutes avant le décollage pour nous signaler que l'hôpital destinataire n'acceptait pas la patiente. Depuis quand un service d'urgence choisit ses patients ? J'ai trouvé ça hallucinant et la solution fut de la ramener à son domicile à 3 heures du matin... J'ai découvert une maison adaptée à son handicap, tout était prévu : accessible sans escaliers, lit médicalisé, couverture chauffante, matelas anti-escarre avec une famille très présente et attentive.

Quelle voyage... Il ne restait plus qu'à récupérer. Bizarrement, je me remis facilement de ce second "jet-lag"...

samedi 23 août 2014

Escale Singapour

Deuxième escale dans notre périple pour ramener une patiente en France : Singapour... Après 12 heures de vol. Comme le vol se faisait de jour, difficile de dormir et nous voici à 7h du matin heure locale soit 1h du matin en France sans avoir beaucoup dormi et il nous reste encore 8 heures de vol à faire. Toujours en business class, ouf !!!
Le repas juste parfait, le siège se repliant pour dormir à plat.

Je n'ose pas encore imaginer le retour tout en classe éco...



vendredi 22 août 2014

Direction Auckland


Ça y est, cette fois, c'est parti. Direction la Nouvelle Zélande. Yes. En business
D'abord, escale à Paris avec repos au lounge.... avant d'embarquer sur l'A380... Depuis le temps que j'en révais, l'assistance l'a fait...
Le retour se fait en classe éco avec une patiente en civiére paraplégique et dénutrie. Ce sera plus difficile. Mais je préfère évidemment ça à 24h dans le "couloir de la mort"...

mercredi 20 août 2014

Quand Wolff rencontre Parkinson et White

En Smur, on s'attend toujours et on espère faire des interventions intéressantes qui sous-entend qu'elles sont graves. Ce n'est pas que l'on le souhaite mais il faut avouer que l'on fait ce travail pour cela. Mais c'est malgré tout rare et souvent. Et alors que la fiche d'intervention nous signale un arrêt cardiaque par exemple, il est fréquent qu'il s'agisse en fait d'un malaise, d'une hypoglycémie ou d'une crise convulsive.
Ainsi, lorsque l'on prend le départ pour un arrêt cardiaque chez une femme de 36 ans, nous n'y croyons pas mais malgré tout, il faut faire confiance en la régulation et partir en pensant au pire. Pendant le trajet, un complément de bilan apporté par l'arrivée sur les lieux des pompiers confirme que la patiente de 36 ans est bel et bien en arrêt. Mince, 36 ans, qu'est ce qui a bien pu se passer pour que son coeur s'arrête ? De toute façon, il est clair qu'il faudra la transporter soit pour la mettre sous circulation extra-corporelle soit pour un éventuel prélèvement des organes. C'est triste d'y penser mais hélas, il est nécessaire d'anticiper et cela fait partie de notre travail
Une fois sur place, la patiente est allongée dans son salon avec les pompiers autour sans qu'aucun ne masse. Seul l'un d'entre eux est à la tête pour ballonner. Et pour cause, un pouls a été récupéré après 3 chocs électriques externes. Ouf !! Bonne nouvelle. Les pompiers m'expliquent qu'alors qu'elle discutait avec son mari, elle s'est effondré sans rien ressentir au préalable. Mais elle a récupèré un pouls et une bonne tension. A nous de la stabiliser pour la transporter au plus vite en réanimation. Elle n'a pas été massée tout de suite par son mari mais elle bouge ses bras et a récupéré une ventilation spontanée. Deuxième bonne nouvelle. On la sédate, je l'intube, on la place sous respirateur. Le premier ECG ne m'apporte aucune information sur l'origine de son arrêt. Je remarque que le coeur ne semble pas avoir souffert de son arrêt. Après avoir expliqué les risques au mari qui s'occupait alors de ses jeunes enfants, nous partons vers la réanimation. Je constate pendant le trajet une modification de son ECG : la patiente souffrait d'un Wolff-Parkinson-White, un trouble de la conduction cardiaque qui peut conduire à une mort subite.
Une fois la patiente transmise au réanimateur, on a tous ressenti le sentiment d'avoir fait quelque chose d'important et d'avoir aidé au mieux une jeune mère. Reste à connaitre les séquelles que son cerveau a subi