mardi 11 février 2014

Alcool + Moto = Fauteuil

La semaine dernière, lors de mes 24 heures de garde, par 2 fois, une infirmière puis une aide-soignante sont venus me voir pour me dire qu'un patient à demander à me voir en m'appelant par mon prénom. J'ai demandé à en savoir plus : "Un jeune paraplégique que t'as fait en smur". Pas besoin de savoir son nom ni de m'en dire plus, cette intervention-là fait partie de celles que l'on n'oublie pas. Un jeune déjà venu aux urgences pour des accidents de la route en état d'ébriété avait percuté un 4x4 avec sa mobylette en état d'ivresse.
A notre arrivée de nuit sur une route de montagne par 0° degré, le jeune était sur le côté au fond d'un fossé. Les jambes enroulés sur elles-mêmes ne laissaient aucun doute sur la violence du traumatisme. D'autant qu'il ne répondait pas aux ordres simples. Il a fallu qu'on fasse vite pour immobiliser ces fractures par ceinture pelvienne, traction fémorale, collier cervical, pour sédater, intuber, coquiller. Pendant le transfert vers la DZ pour une évacuation en hélico, on avait du mal à stabiliser la tension artérielle malgré le remplissage. Il a fallu faire acheminer du sang vers la DZ pour transfuser le patient.
Le bilan a mis en évidence des fractures fémorales bilatérales, une fracture du bassin, une lésion médullaire et une du plexus brachial (je ne sais plus quel côté) en plus d'un traumatisme crânien. Ainsi, le jeune se retrouvait sur un fauteuil roulant avec un seul bras valide...

Bizarrement, je n'avais pas envie d'aller le voir. Lui voulait absolument me montrer les progrès qu'il avait réalisé. Pourtant, nous ne nous sommes jamais parlé, ni jamais vu après son accident. Je sais que parmi les pompiers présents sur le site, certains le connaissaient. Peut être a t'il appris par leur intermédiaire ce qui s'était passé et à quel point, on s'était "battu" pour lui.

Si j'étais allé le voir, qu'aurais je pu lui dire ? Bravo, c'est super, tu bouges des 2 mains. Génial... Mais tu resteras toujours dans un fauteuil. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser que si il n'avait pas bu, il n'aurait surement pas eu cet accident. Il ne serait pas en fauteuil roulant avec toutes les complications et les risques que cela entraîne. Alors, oui, bravo, t'as joué, tu t'es amusé mais t'as perdu. Quelque part, je lui en voulais presque. Je trouvais trop con, trop bête ce qui lui était arrivé : une vie entière foutue à cause de cela. J'étais content qu'il soit en vie et que nos efforts aient payé, mais tout cela n'aurait pas été nécessaire si il n'avait pris sa moto de nuit en état d'ébriété. Je suis dur : il a réussi surement à passer à autre chose et je devrais m'en féliciter et l'encourager, mais sur le coup, j'ai préféré de ne pas y aller.

Promis, la prochaine fois, j'y vais...

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