mercredi 4 décembre 2013

Pourquoi tant de haine ?

Les rapatriements peuvent se suivre mais ne se ressemblent pas.

Il y a 2 jours : avion sanitaire. Direction : Dublin pour un jeune homme ayant eu 2 pneumothorax et ayant été opéré. Ainsi, peu de risque qu'il se passe quelque chose en vol. Mais bon, sait-on jamais... Aussi, nous sommes 2 : un médecin et un infirmier pour une jeune homme qui marche et ne se plaint de rien. Aussi, retour tranquille à discuter avec lui et son père.

Et le lendemain : mission en ambulance pour ramener un homme âgé ayant chuté dans des escaliers en été d'ébriété ce qui a entrainé une contusion cérébrale en plus de ses multiples fractures. Depuis, il est désorienté, par moment agité et agressif. Et là, pas d'infirmier. Juste moi pour le ramener. Soit, pourquoi pas ?
Arrivée dans le service à 7h15 : rien n'est prêt : ni le dossier, ni le patient qui n'a eu ni son traitement du matin ni de prise de constantes, et n'a même pas été changé. Pas de problème, c'est courant. Avec les ambulanciers, j'aide l'infirmière. Le médecin de garde est appelé par ses collègues pour des transmissions orales. Ces dernières demandent : "Faut vraiment qu'elle vienne ?". Sympa, non seulement, je n'ai pas de compte-rendu médical mais en plus le médecin ne désire pas bouger ses fesses pour me faire des transmissions... Et ce n'est pas un médecin de garde ne connaissant pas forcément le patient mais un des médecins du service !!

Le problème fut quand nous avons à peine sorti le patient de sa chambre. Ne comprenant pas ce qui lui arrivait et se croyant dans son bureau de travail, il se met à s'agiter et commence à descendre du brancard. On le raisonne, le rassure, essaie de rentrer dans son délire en lui expliquant que c'est pour son travail. Rien n'y fait. Je demande alors à l'infirmère de lui donner ce que les médecins du service ont prévu en cas d'agitation : 100 mg d'Atarax per os et d'appeler le médecin pour compléter éventuellement la sédation.
Au bout de 20 minutes, le fameux médecin de garde arrive : l'air sévère, entre 50 et 60 ans, les cheveux en arrière reliés en natte, de grosses lunettes à monture large sur le nez : on aurait dit une mère supérieure. Sans me parler, elle imprime le dossier médical et me le tend : peut-être est-elle muette et que c'est sa façon de communiquer ? En tout cas, pour elle, il n'y a aucun problème à transporter un patient agité en ambulance pendant 5 heures avec juste une personne comme accompagnant. Elle décide tout de même de lui administrer une ampoule de Loxapac en intra-musculaire. Alors que le patient est sous anti-coagulant et que par habitude, je commence en général par 2 voire 3 ampoules. Donc, je mets peu d'espoir dans ce traitement.

Au bout d'une heure et demie sur place, je décide de ne pas le rapatrier : le patient s'agite et essaye de descendre du brancard dés lors que l'on se trouve à plus de 2 mètres de sa chambre.
Mais après l'avoir remis dans son lit et en avoir parler à l'infirmière, voilà qu'arrive en furie le chef de service accompagné de ses "sbires", surement ses assistants ou internes. Il m'agresse verbalement : "Si vous ne transportez pas ce malade, je vais m'occuper de votre cas auprès de l'assistance !!", "Vous allez entendre parler de moi !!", "Si vous ne pouvez pas transporter ce malade, je me demande ce que vous pouvez transporter !!", "Mettez ce patient sur le brancard et emmener le à Paris !!", "On va le 
sédater et il va dormir !!". Comme si je mettais de la mauvaise volonté, comme si aujourd'hui, j'avais décidé de ne pas travailler, comme si c'était la première fois que je rapatriais une personne et que je ne savais pas comment faire...
Je l'ai laissé parler puis calmement me suis expliqué. Il a décidé de renforcer encore la sédation par du Nozinan et du Tranxéne 50 mg en IM. Bientôt, ce n'est pas un patient agité que je vais ramener mais un coma à intuber...

Devant tant d'agressivité, j'ai préféré ne pas faire front me disant que cela allait prendre beaucoup plus de temps et ai accepté de faire un dernier essai. Parfois, il faut savoir ranger son poing dans sa poche : répondre à la colère par de la colère n'arrange rien. Nous avons alors recommencer notre manège : patient sur le brancard et tentative de sortie du service. Le chef de service a alors pu constater de lui-même que le patient s'agitait. J'ai pu malgré tout le calmer et le mettre dans l'ambulance.

Comme prévu, le transfert fut difficile avec un patient absolument pas calme, n'arrêtant pas de bouger et désirant par moment se lever. Régulièrement, je le remontais sur le brancard, remettant ses jambes dessus en lui parlant calmement. Je n'ai rien rajouter aux multiples psychotropes qu'il avait déjà reçu et surtout n'ai pas fait son injection d'anti-coagulant... Le transfert fut long, très long...

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