Un patient est amené pour ivresse sur la voie publique avec chute et plaie du cuir chevelu.
Les pompiers dépités et désolés de nous amener ce patient qu'on entend à l'autre bout des urgences demander à ce qu'on le ramène chez lui et qu'on lui "foute la paix".
Les pompiers dépités et désolés de nous amener ce patient qu'on entend à l'autre bout des urgences demander à ce qu'on le ramène chez lui et qu'on lui "foute la paix".
Faut que quelqu'un y aille. Je suis disponible et le plus prêt. C'est parti. De toute façon, c'est samedi soir et on sait bien à quoi s'attendre ces soirs-là...
A un moment, je suis son meilleur ami ("T'es un pote toi, j't'aime bien, t'es sur qu't'es toubib ?), et en 2 minutes, je suis devenu tout l'inverse ("Ooohh, tu fais chier toi !! J'fais c'qu'j'veux !! On m'a jamais commandé, moi, ouais !!"). Je sens son haleine à 2 doigts de mon visage : pas de doute : mélange de diverses alcools dont de la bière et du vin rouge. A voir ces vêtements et sa coiffure : ce doit être un SDF et à mon avis, bien habituer des services d'urgence.
Il n'arrive pas à tenir debout ("j't dis que j'ai pas besoin de toi. J'sais marcher, quoi !!") mais veut nous montrer qu'il peut aller aux toilettes tout seul, ne comprend pas qu'on lui demande de s'allonger pour pouvoir suturer sa plaie ("c'est rien, j'ai eu pire"). Il crache par terre parce qu'il n'a pas vu la poubelle ("j'vais pas avaler quand même. C'est dégueulasse !!"). On s'y met à 3 puis 4 - 5. Chacun de nous essaie à tour de rôle de le convaincre de rester, qu'on doive le soigner, le surveiller. Il crie, nous insulte, nous postillonne, voire nous crache dessus ; son sang se retrouve sur le brancard, par terre, sur nos tenues. On essaie de le maintenir, puis de lui parler calmement, de le materner puis plus durement. Hélas, rien n'y fait. Pourtant, faut bien qu'il reste : si il sort du service, il pourrait tomber, se taper la tête et se faire une hémorragie intra-cranienne ou se faire renverser par une voiture... En plus, si il lui arrivait quoi que ce soit à l'extérieur, on serait responsable.
On essaie de le maintenir dans son box. On n'aime pas être dévisagé pour tous les autres patients. Je me suis toujours demandé ce qu'ils pouvaient bien penser de cela : nous trouvent-ils agressifs, trop insistant alors que le patient est simplement alcoolisé ou au contraire, nous plaignent-ils d'avoir à gérer un patient en état d'ébriété ?
Pendant ce temps-là, le patient commence à en avoir assez qu'on le maintienne et l'empêche de marcher : il crie, nous insulte, s'agite. Je regarde les autres membres de l'équipe. Ils me regardent et tous nous pensons la même chose : on ne va pas avoir le choix que de le plaquer sur son brancard, de lui mettre des entraves et de le sédater. Seulement, dans le couloir, on va passer pour des bourreaux. Faut d'abord le ramener dans son box. Hélas, il finit par être tellement agressif qu'il ne nous laisse plus le choix. Le brancard est prêt avec les contentions, la porte ouverte. Allez, c'est parti, chacun de nous le prend par un membre et rapidement on l'allonge, on lui maintient le thorax et les membres, on lui attache les poignets et les chevilles ainsi que l'abdomen. Il s'agite, s'excite, s'énerve, nous insulte, nous promet de tous nous tuer.
Plus qu'à le laisser se calmer. Il s'endormira tranquillement. Espérons que la nuit se passe bien et qu'il régurgira pas.
Et le lendemain, une fois qu'il aura décuvé, on peut être sur qu'il sera gentil et doux comme un agneau et qu'il s'excusera de ce qu'il aura fait et dit...
Bref, un samedi soir aux urgences...
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