dimanche 22 décembre 2013

Les 2 font la paire

Cette nuit : faut croire que tout allait par paire.
Les VSAV arrivaient par 2 : AVP VL/VL ayant entrainé 2 victimes : tranquille.
Puis arrivés d'un beau-père et de son gendre qui après avoir bu ensemble toute la soirée se "sont foutus sur la gueule". Fallait les entendre dans le même box d'examen comme larrons en foire : ils n'arrêtaient pas de rire. Le jeune avait été obligé par sa femme de prendre une douche, avait glissé dedans et s'était raccroché au rideau de douche qu'il avait détruit avec la fixation.
Plus tard, des parents nous amènent leurs 2 enfants fiévreux depuis une semaine : cela aurait été dommage d'attendre le lendemain...
Puis, un patient a été amené avec son épouse qui a tenté de le poignarder pendant son sommeil car il avait désiré se séparer d'elle la veille. Drôle d'ambiance : le mari avec des plaies multiples, profondes au niveau du cou, des épaules et des bras et dans un autre box sa femme qui ne désire plus parler et simule  un état... de sommeil somme tout bien relatif (quelques stimulations permettant de la sortir de sa stupeur).
Après, 2 hommes avaient eu la bonne idée de se battre en état d'ébriété. Chacun revendiquant l'honneur d'en "avoir foutu plein la gueule à l'autre". Quand on faisait remarquer à l'un qu'il était pas très beau à voir, il nous disait tout de suite : "l'autre est pire". Hélas, je n'ai pas commencé par le plus simple : le premier que j'examine est calme avec une figure ressemblant à un boxer après match : bouffi, des hématomes ne me permettant pas de distinguer la couleur de ses yeux ni à quoi il devait bien ressembler avant. Essayer de sentir une éventuelle déformation osseuse est peine perdue. Pendant que je m'occupais de lui, des collègues para-médicaux viennent régulièrement me dire que l'adversaire de mon patient n'arrête pas de déambuler, de crier et veut partir alors qu'il a des plaies au visage à suturer.
A presque 23 heures de travail et malgré mes 2 heures de sommeil, je décide d'affronter cet énergumène, ivre, violent et énervé. Est ce le respect du à ma fonction ? Car c'est sur que ce n'est pas les 20 cm que j'avais en moins en hauteur, en largeur et en circonférence de biceps et de quadriceps qui lui faisaient peur. Malgré le "T'es qui toi ?" et le "Tu sais pas qui j'sui", il a accepté que je l'examine. Bien sur, les plaies devaient être désinfectées, parées et suturées. Cela aurait trop simple sinon.
Il s'allonge et me montre un tatouage représentant des idéogrammes sur sa jambe droite : "tu sais ce que c'est ça ?". Malgré mon envie d'en savoir plus, il me répond "No comment". Puis, me montrant un autre tatouage sur son avant-bras gauche : "Hell's Angels, tu connais ?". "C'est quoi au juste ?". "No comment". Décidément, que de mystère...
Pour plaisanter, je lui demande si il a un surnom au sein de son groupe les "Hell's Angels" genre "Gasoil", "Bitume", "Mazout" (pas très original, je sais mais je trouvais ça drôle). "Tu veux que j't'fasse un mazout", me dit-il avec un sourire en coin. "Euh... j'préfére pas savoir". "No comment". C'est peut-être ça son surnom. En tout cas, ça lui irait bien.
Après avoir fini mon travail de couture, il se rhabille, va aux toilettes d'où on peut entendre comme des coups dans le mur. On se retrouve à plusieurs derrière la porte lui demandant en plaisantant de ne pas tout casser. Vivement qu'il s'en aille... Je lui donne par la suite ces ordonnances qu'il me rend froissées, déchirées, en morceaux. Décidément, un homme bien sympathique.
Une fois parti, je constate que plusieurs patients sont arrivés pendant mes soins et que cela ne sert plus à rien que je m'en occupe : la relève va bientôt arriver. Ouf...
Bon, faut que je me mette à la musculation...

mercredi 11 décembre 2013

C'est fait...

C'est fait, ça y est. J'ai enfin pu ramener ma patiente à Besançon...
Petit retour en arrière : jeudi, on m'appelle pour une mission vendredi : transporter une patiente polytraumatisé suite à un accident de Lausanne à Besançon. Mais, peut-être pas... Car la place à Besançon n'est pas sur : évidemment, en soins intensifs, ils ne peuvent pas réserver de lit pour 24h.
Et effectivement, le lendemain matin, peu de temps avant de partir pour la base, je reçois un SMS qui m'annonce l'annulation de la mission. Tant pis.
Lundi, je médicalise tranquille la coupe du monde de biathlon. Enfin, ce jour est celui de l'arrivée des équipes et de leur entrainement. Aussi, peu de monde et surtout pas de public. On se balade tranquille, on découvre les structures. C'est calme. On m'appelle alors pour une mission mardi : transporter une patiente victime d'un accident de Lausanne à Besançon. Bien sur, maintenant que je connais le dossier.
Donc, mardi, départ en ambulance pour Lausanne. Problème : mon ordre de mission ne me donne pas d'indication sur le service d'accueil. Appel à l'assistance... Et là, je me rend compte qu'ils n'ont pas la confirmation de la place. Et un appel à l'hôpital de Besançon confirme que personne n'attend la patiente... Mission annulée. Au moins, cette fois-ci, j'ai pris la route. On progresse...
Un peu plus tard, dans l'après-midi, nouvel appel pour une nouvelle mission : une dame polytraumatisée suite à un accident qu'il faut transporter de Lausanne à Besançon. Bien sur, je connais le dossier par coeur...
Ce matin, j'ai quand même par précaution appelé l'assistance et le service d'accueil. Pas de problème, cette fois-ci et j'ai ainsi pu rencontrer cette patiente de 35 ans qui au volant de sa voiture avec son mari et sa fille de 3 mois a percuté un véhicule roulant à contre-sens. Le conducteur d'en face était en état d'ébriété. Heureusement, il n'a tué personne et le bébé n'a subi aucune blessure. Sa mère par contre a eu une fracture du fémur et une perforation digestive qui lui a laissé après plusieurs interventions une colostomie. Elle se retrouve ainsi avec plusieurs cicatrices à l'abdomen et une poche qu'elle n'a pas osé toucher avant 3 semaines. Et il lui faudra subir de nouvelles opérations pour rétablir la continuité et une auto-greffe musculaire. Elle n'a pas vu sa fille depuis plus d'un mois, ne pourra pas travailler avant plusieurs mois. Son mari a eu plusieurs fractures aux membres inférieurs et au rachis. Il ne pourra pas marcher avant quelques mois et doit porter un corset. Tout ça à cause d'un homme ayant pris le volant en état d'ébriété.

mercredi 4 décembre 2013

Pourquoi tant de haine ?

Les rapatriements peuvent se suivre mais ne se ressemblent pas.

Il y a 2 jours : avion sanitaire. Direction : Dublin pour un jeune homme ayant eu 2 pneumothorax et ayant été opéré. Ainsi, peu de risque qu'il se passe quelque chose en vol. Mais bon, sait-on jamais... Aussi, nous sommes 2 : un médecin et un infirmier pour une jeune homme qui marche et ne se plaint de rien. Aussi, retour tranquille à discuter avec lui et son père.

Et le lendemain : mission en ambulance pour ramener un homme âgé ayant chuté dans des escaliers en été d'ébriété ce qui a entrainé une contusion cérébrale en plus de ses multiples fractures. Depuis, il est désorienté, par moment agité et agressif. Et là, pas d'infirmier. Juste moi pour le ramener. Soit, pourquoi pas ?
Arrivée dans le service à 7h15 : rien n'est prêt : ni le dossier, ni le patient qui n'a eu ni son traitement du matin ni de prise de constantes, et n'a même pas été changé. Pas de problème, c'est courant. Avec les ambulanciers, j'aide l'infirmière. Le médecin de garde est appelé par ses collègues pour des transmissions orales. Ces dernières demandent : "Faut vraiment qu'elle vienne ?". Sympa, non seulement, je n'ai pas de compte-rendu médical mais en plus le médecin ne désire pas bouger ses fesses pour me faire des transmissions... Et ce n'est pas un médecin de garde ne connaissant pas forcément le patient mais un des médecins du service !!

Le problème fut quand nous avons à peine sorti le patient de sa chambre. Ne comprenant pas ce qui lui arrivait et se croyant dans son bureau de travail, il se met à s'agiter et commence à descendre du brancard. On le raisonne, le rassure, essaie de rentrer dans son délire en lui expliquant que c'est pour son travail. Rien n'y fait. Je demande alors à l'infirmère de lui donner ce que les médecins du service ont prévu en cas d'agitation : 100 mg d'Atarax per os et d'appeler le médecin pour compléter éventuellement la sédation.
Au bout de 20 minutes, le fameux médecin de garde arrive : l'air sévère, entre 50 et 60 ans, les cheveux en arrière reliés en natte, de grosses lunettes à monture large sur le nez : on aurait dit une mère supérieure. Sans me parler, elle imprime le dossier médical et me le tend : peut-être est-elle muette et que c'est sa façon de communiquer ? En tout cas, pour elle, il n'y a aucun problème à transporter un patient agité en ambulance pendant 5 heures avec juste une personne comme accompagnant. Elle décide tout de même de lui administrer une ampoule de Loxapac en intra-musculaire. Alors que le patient est sous anti-coagulant et que par habitude, je commence en général par 2 voire 3 ampoules. Donc, je mets peu d'espoir dans ce traitement.

Au bout d'une heure et demie sur place, je décide de ne pas le rapatrier : le patient s'agite et essaye de descendre du brancard dés lors que l'on se trouve à plus de 2 mètres de sa chambre.
Mais après l'avoir remis dans son lit et en avoir parler à l'infirmière, voilà qu'arrive en furie le chef de service accompagné de ses "sbires", surement ses assistants ou internes. Il m'agresse verbalement : "Si vous ne transportez pas ce malade, je vais m'occuper de votre cas auprès de l'assistance !!", "Vous allez entendre parler de moi !!", "Si vous ne pouvez pas transporter ce malade, je me demande ce que vous pouvez transporter !!", "Mettez ce patient sur le brancard et emmener le à Paris !!", "On va le 
sédater et il va dormir !!". Comme si je mettais de la mauvaise volonté, comme si aujourd'hui, j'avais décidé de ne pas travailler, comme si c'était la première fois que je rapatriais une personne et que je ne savais pas comment faire...
Je l'ai laissé parler puis calmement me suis expliqué. Il a décidé de renforcer encore la sédation par du Nozinan et du Tranxéne 50 mg en IM. Bientôt, ce n'est pas un patient agité que je vais ramener mais un coma à intuber...

Devant tant d'agressivité, j'ai préféré ne pas faire front me disant que cela allait prendre beaucoup plus de temps et ai accepté de faire un dernier essai. Parfois, il faut savoir ranger son poing dans sa poche : répondre à la colère par de la colère n'arrange rien. Nous avons alors recommencer notre manège : patient sur le brancard et tentative de sortie du service. Le chef de service a alors pu constater de lui-même que le patient s'agitait. J'ai pu malgré tout le calmer et le mettre dans l'ambulance.

Comme prévu, le transfert fut difficile avec un patient absolument pas calme, n'arrêtant pas de bouger et désirant par moment se lever. Régulièrement, je le remontais sur le brancard, remettant ses jambes dessus en lui parlant calmement. Je n'ai rien rajouter aux multiples psychotropes qu'il avait déjà reçu et surtout n'ai pas fait son injection d'anti-coagulant... Le transfert fut long, très long...