Aujourd'hui se tenaient à Paris les 2èmes assises des Urgences avec pour thème : "Devenir, être et rester urgentiste". Le titre peut paraître prétentieux, mais j'en ressens d'autant plus l'utilité et l'importance que j'ai une dizaine d'années d'expérience et que j'en suis à me poser cette question : "Est-ce que je peux rester urgentiste encore longtemps ?". "Est-ce que j'en ai envie ?". Bref, je vois bien que je supporte moins bien les nuits qu'avant, que je récupère moins rapidement. En plus, travailler les nuits et les weeks-ends a évidemment un impact sur la vie sociale surtout lorsque l'on a des enfants dont le rythme n'est évidemment pas le même. D'autre part, je suis lassé d'expliquer aux gens ce que sont des urgences, lassé de faire de la médecine générale et de la "bobologie" alors que je me destinais aux urgences.
Alors, "Devenir urgentiste" : c'est une vocation. Les jeunes médecins y croient, en veulent, écoutent les anciens raconter les histoires de chasse comme les recrues de l'armée peuvent entendre avec passion les anciens raconter leur "guerre". Mais ils sont moins nombreux qu'auparavant (la série "urgences" a créé des vocations mais c'est fini !!) et une véritable pénurie arrive.
"Etre urgentiste" : se battre pour que notre spécialité trouve sa place, faire avancer la recherche.
"Rester urgentiste" : continuer à y croire, surtout. En vouloir. Ne pas ressentir trop de lassitude avec le risque de passer à côté de l'"urgence du jour" en croyant qu'encore une fois, il s'agissait d'une connerie.
Pour être franc, j'ai cherché il y a 2 ans à faire autre chose et j'ai réfléchi à ce que je savais faire : calmer une douleur, examiner un ventre, écouter des poumons, lire un électrocardiogramme, interpréter une radiographie, drainer une collection, évacuer un abcès, endormir les gens, réduire une luxation, faire un plâtre, refermer une plaie, poser des cathéters de toutes sortes et de toutes taille, enfiler un tube dans une trachée... Bref, je ne sais rien faire d'autre que médecin urgentiste. Mais bon, voilà, c'est génial d'être toubib, doctor, médecin, docteur, dottore in medicina, doktor,... Beaucoup ont voulu le faire et n'ont pas réussi. Mais bon, parfois, je suis lassé et aimerait changer. Une fois, j'ai examiné une femme pour des douleurs lombaires. Son travail consistait dans une usine à déplacer des bouteilles de la droite vers la gauche. Pendant une dizaine de secondes, je l'ai enviée : pas de responsabilité, pas de relation avec des patients ou des familles, pas de stress quand vous sentez un patient vous échapper, pas de sueur en craignant ne pas avoir fait le bon diagnostic, pas de course dans les urgences vers le déchocage pour un arrêt cardiaque... Bon passer les dix secondes, je me suis dit que sans aucun doute, elle n'avait pas choisi ce travail et qu'elle préférerait mille fois faire autre chose.
Je sais que je ferais toujours médecin mais j'espère trouver un jour une autre façon de l'exercer...