vendredi 31 mai 2013

50 heures...

3 jours de rapatriement d'affilée... C'est pas comme 3 jours aux urgences et pourtant j'ai fait pas loin de 50 heures...
Mercredi départ 7h pour aller en Espagne en avion sanitaire chercher  un homme ayant fait une cholécystite : il marche et n'a pas mal. Bien, ça...
Jeudi départ 5h (ça pique les yeux...) pour aller en République Tchèque chercher un homme ayant fait une pancréatite aiguë. Il marche, n'a pas mal. Bien, très bien ça...
Retour ce jour en classe affaire avec passage avant par le lounge. Fauteuil, canapé, boisson (eau, jus de fruit, café, alcool) , en cas, journaux à volonté.
Le patient et son épouse n'en revenaient pas. En arrivant, ils m'ont proposé de me payer un café. Quand je leur ai dit qu'ils pouvaient prendre ce qu'ils voulaient, ils étaient surpris que cela existe. J'adore ces petits moments et plaisirs des rapats. Une fois au lounge, y a plus de problème. Ils se posent, profitent, boivent, mangent et sont alors tout acquis à votre cause. Il peut se passer quoi que ce soit, il n'y aura aucun problème. C'est trop facile par rapport aux urgences où vous pouvez passer des heures pour un patient (examen, demande d'avis, appel téléphonique) sans un seul mot de remerciement. Pour lui, vous aurez fait votre boulot. Alors qu'en rapatriement, sans rien faire que de discuter, rassurer, s'occuper des billets, valises, assistance, les gens vous remercient mille fois. Et en plus, cela paye mieux que l'hôpital.
Va comprendre, Charles...

dimanche 26 mai 2013

Grand-mère sait faire un bon café...

Outre l'organisation des soins, du parcours du patient au sein du service des urgences entre salle d'examen, radiologie, salle d'attente secondaire, ce qui est bien un élément important voire limite vital est le : Café. Oui, oui, le café. Sans cela, pas de 24 heures possible, pas de prise en charge optimale de 6 patients en même temps dont 2 "décho". Mais le café au sein des urgences répond à certaines règles... Si vous désirez vous faire accepter lors de votre arrivée :

  - vous devez connaître à qui régler votre cotisation café et cela dans les temps et en liquide au risque de passer pour un profiteur pour le restant de votre séjour. Demandez à une ancienne, genre Ghislaine

  - si vous achetez du café. Acheter la marque du service au risque de passer pour un marginal. Pour faire simple : acheter du "Carte Noire". C'est le café le plus utilisé dans tous les services d'urgence. Les dirigeants de la marque doivent rouler en Porsche rien que grâce aux services d'urgence...

  - il ne suffit pas d'acheter du café. Il faut que les autres sachent que vous avez acheté du café !!

  - sachez repérer les tasses de certains. Ne buvez pas dans la tasse "Sans Haldol, la fête est plus folle" de Ghislaine qu'un laboratoire lui a offert il y a 20 ans si vous ne voulez qu'elle vous pourrisse la vie pour le restant de votre séjour

  - n'amenez pas votre tasse si vous ne voulez pas que les autres boivent dedans

  - sachez faire du café qui ne soit ni du mazout ni du jus de chaussette

  - sachez faire un filtre avec n'importe quoi : essuie-tout, mouchoir

  - habituez vous à boire votre café trop chaud, trop froid, trop vieux, mazouté ou jus de chaussette (parce que le petit nouveau sait pas comment faire du café. Le con !!)

  - quelqu'un a fini le café et n'en a pas refait. "Il est où ce con de petit nouveau !!" Parce que c'est sur, faudra pas s'en prendre à Ghislaine...

  - vous ne buvez pas de café. Attendez de faire 24 heures et vous ne pourrez plus vous en passer...

Bref, si vous suivez ces différentes règles, vous pourrez vous faire accepter du reste de l'équipe

mercredi 22 mai 2013

Urgentistes généralistes

Hier, un laboratoire offrait un restaurant à mon service pour présenter un nouveau médicament. Restaurant gastronomique, bien sur. Ambiance feutré, plats minimalistes et recherchés.
On pourrait discuter des relations médecins - laboratoire. On en a beaucoup entendu discuter dans les médias dernièrement.
Non, en fait, en discutant avec les autres urgentistes, on se disait que les cardiologues se spécialisaient ou plutôt se sur-spécialisaient de plus en plus : certains ne font plus que des angioplasties, d'autres de la rythmologie. Et ceci est vrai pour beaucoup d'autres spécialistes : certains orthopédistes opèrent essentiellement les genoux, des pneumologues s'occupent plus des asthmatiques, des pédiatres deviennent neuro-pédiatres ou néphro-pédiatres. Etc... etc...
Evolution surement nécessaire pour gérer au mieux des pathologies parfois complexes.

Et voilà, qu'en fait, nous, urgentistes, déjà qu'il nous faut connaitre notre métier, les urgences et savoir les gérer, il faut de plus en plus savoir gérer l'ophtalmologie, l'ORL, la gynécologie. Bien sur, sans que cela soit trop compliqué, mais tout de même nous ne sommes pas former à cela. Nous prenons alors des risques à accepter cette évolution : risque de se tromper de diagnostic ou de thérapeutique. Risques pour les patients donc. Mais cela nous le faisons car nous n'en avons pas le choix : il faut bien s'occuper de tous les patients qui se présentent aux urgences devant l'absence de disponibilité de la part des médecins généralistes ou devant le délai d'attente trop long pour un rendez-vous chez un spécialiste. Par ailleurs, lorsque l'on fait appel à un spécialiste, souvent ce dernier nous donne son avis par téléphone avec les limites que cela implique. Le patient est souvent alors dubitatif sur notre prise en charge : comment un médecin que je n'ai pas vu et qui ne m'a pas examiné puisse savoir ce que j'ai. Mais pour les spécialistes, ce qu'on leur demande leur parait  bien trivial et ils nous demandent plus ou moins directement de gérer des pathologies relevant de leur spécialité sans que l'on fasse appel à eux. On se sent comme piégé entre les patients et la nécessité de les gérer au mieux et des avis, des imageries, des examens biologiques qui ne sont pas toujours faciles à obtenir, voire impossible (la nuit, les weeks-ends et jours fériés).

Ainsi, on se généralise ou plus exactement il devient nécessaire qu'on sache de plus en plus de chose dans de plus en plus de spécialité. Sans que les limites soient bien claires. Je pense sérieusement qu'il faudrait que la relation urgentiste - spécialiste soient encadrée ou  que les limites de la médecine d'urgence soient posées. Sinon, on s'expose à des risques inutiles.

jeudi 16 mai 2013

Pierre-Emmanuel Desmurs

Un infirmier qui a quitté récemment mon service, Pierre-Emmanuel Desmurs, originaire de Normandie est allé en avril en Thaïlande. Alors qu'il roulait en scooter, il a été renversé par une voiture. Il présente de graves blessures. L'assurance qu'il avait ne pouvait couvrir que 3 jours de réanimation et il fallait en plus l'opérer, ce qui coutait 40 000 euros. Les médecins thaïlandais n'ont pas voulu l'opérer tant qu'ils n'avaient pas les frais. Au final, cela a pu se faire. Il a été rapatrié récemment sur l'hôpital de Caen :

La famille a mis en place une cagnotte pour pouvoir rembourser les frais médicaux de Pierre-Emmanuel.

Si des personnes désirent l'aider : https://www.leetchi.com/fr/Cagnotte/81777/6f38d6c7

Merci pour lui...

mercredi 15 mai 2013

Rester urgentiste

Aujourd'hui se tenaient à Paris les 2èmes assises des Urgences avec pour thème : "Devenir, être et rester urgentiste". Le titre peut paraître prétentieux, mais j'en ressens d'autant plus l'utilité et l'importance que j'ai une dizaine d'années d'expérience et que j'en suis à me poser cette question : "Est-ce que je peux rester urgentiste encore longtemps ?". "Est-ce que j'en ai envie ?". Bref, je vois bien que je supporte moins bien les nuits qu'avant, que je récupère moins rapidement. En plus, travailler les nuits et les weeks-ends a évidemment un impact sur la vie sociale surtout lorsque l'on a des enfants dont le rythme n'est évidemment pas le même. D'autre part, je suis lassé d'expliquer aux gens ce que sont des urgences, lassé de faire de la médecine générale et de la "bobologie" alors que je me destinais aux urgences.
Alors, "Devenir urgentiste" : c'est une vocation. Les jeunes médecins y croient, en veulent, écoutent les anciens raconter les histoires de chasse comme les recrues de l'armée peuvent entendre avec passion les anciens raconter leur "guerre". Mais ils sont moins nombreux qu'auparavant (la série "urgences" a créé des vocations mais c'est fini !!) et une véritable pénurie arrive.

"Etre urgentiste" : se battre pour que notre spécialité trouve sa place, faire avancer la recherche.

"Rester urgentiste" : continuer à y croire, surtout. En vouloir. Ne pas ressentir trop de lassitude avec le risque de passer à côté de l'"urgence du jour" en croyant qu'encore une fois, il s'agissait d'une connerie.

Pour être franc, j'ai cherché il y a 2 ans à faire autre chose et j'ai réfléchi à ce que je savais faire : calmer une douleur, examiner un ventre, écouter des poumons, lire un électrocardiogramme, interpréter une radiographie, drainer une collection, évacuer un abcès, endormir les gens, réduire une luxation, faire un plâtre, refermer une plaie, poser des cathéters de toutes sortes et de toutes taille, enfiler un tube dans une trachée... Bref, je ne sais rien faire d'autre que médecin urgentiste. Mais bon, voilà, c'est génial d'être toubib, doctor, médecin, docteur, dottore in medicina, doktor,... Beaucoup ont voulu le faire et n'ont pas réussi. Mais bon, parfois, je suis lassé et aimerait changer. Une fois, j'ai examiné une femme pour des douleurs lombaires. Son travail consistait dans une usine à déplacer des bouteilles de la droite vers la gauche. Pendant une dizaine de secondes, je l'ai enviée : pas de responsabilité, pas de relation  avec des patients ou des familles, pas de stress quand vous sentez un patient vous échapper, pas de sueur en craignant ne pas avoir fait le bon diagnostic, pas de course dans les urgences vers le déchocage pour un arrêt cardiaque... Bon passer les dix secondes, je me suis dit que sans aucun doute, elle n'avait pas choisi ce travail et qu'elle préférerait mille fois faire autre chose.

Je sais que je ferais toujours médecin mais j'espère trouver un jour une autre façon de l'exercer...

lundi 13 mai 2013

Internet est à la médecine ce qu'est la pornographie à l'érotisme

Internet est à la médecine ce qu'est la pornographie à l'érotisme : tel est le titre d'un article du Monde :

Cet article parle de la relation médecin - malade et d'une évolution récente, celle de la tendance du patient à rechercher des informations par le biais d'internet. C'est rapide, facile, disponible 24h sur 24 et 7 jours sur 7 (un peu comme les urgences, en fait...). Seulement, on trouve tout sur tout sur internet et pour quelqu'un qui ne dispose pas des connaissances de base, il est difficile "de faire la part du bon grain de l'ivraie". Ainsi, un jour, une femme est arrivée à l'accueil des urgences en expliquant qu'elle faisait un infarctus du myocarde. Au moins, comme cela, pas d'examen à faire, pas de biologie à réaliser : le diagnostic est déjà fait. Génial !!! Bon, bref, on l'a bien sur examiné : au total, les symptômes m'ont plus fait penser à une névralgie cervico-brachiale : contracture cervicale avec douleur irradiant dans le membre supérieur gauche. Ce qui ne ressemble pas vraiment à un infarctus. L'explication : la patiente présentant une douleur dans le bras gauche a tapé sur son clavier d'ordinateur : "douleur bras gauche" et a pu lire comme résultat : "angine de poitrine" et "infarctus du myocarde". Quel magnifique raccourci : passer d'une douleur dans un membre à un infarctus sans passer par la case médecine... C'est là qu'on se rend compte comme sert quand même à quelque chose. On a bien sur réalisé un ECG. Imaginez un peu qu'elle présentait réellement un infarctus, qu'elle l'affirme dés son entrée et qu'on lui fait même pas un ECG... Bon, de toute façon, il fallait le faire pour la rassurer. Le plus drôle est que différents membres de sa famille nous appelaient en demandant des nouvelles de Mme... qui fait un infarctus du myocarde. Au début, on n'avait pas bien compris : "Non, nous ne gérons pas d'infarctus en ce moment".

Et voilà, avant, les gens demandaient à leur concierge. Maintenant, il faut faire face au dieu Internet. Certains nous le disent franco, se sentant presque coupable d'avoir regardé avant de venir nous voir, d'autres attendent la fin de la consultation, une fois qu'on a confirmé leurs résultats informatiques, mais la plupart ne nous dit rien. On sent lors de la consultation une certaine réticence, un regard fuyant, l'absence de questions nous faisant penser que le patient ne nous approuve pas. Tant pis, passons à un autre patient.

Il y a sur internet nombre de sites parlant de médecine. Mais le pire sont les forums où tout un chacun peut "déverser les rancoeurs, les échecs ressentis - plus ou moins à juste titre - de prises en charge discutables ou hâtives". Les lire me fait froid dans le dos : tant de personnes insatisfaites, incomprises ou n'ayant pas compris leur médecin.

samedi 11 mai 2013

Neuro ou cardio ?

Les médecins parlent une langue étrangère, qui est difficile à saisir et à comprendre. Nous avons passé de longues années à apprendre tout ce vocabulaire et expliquer un terme ne nous semble pas facile, car il se suffit souvent à lui-même. Ce serait comme expliquer à un papou ce qu'est une cafetière : un appareil électrique (et encore il faudrait lui expliquer ce qu'est l'électricité) qui en faisant bouillir de l'eau la fait passer dans du café moulu (là encore, cela veut dire quoi "moulu" ?) pour en faire un jus chaud... pas simple et bien long. C'est comme expliquer ce qu'est un accident vasculaire cérébral (AVC), surtout quand on ne sait pas si il est hémorragique ou ischémique. Ce qui est encore plus déroutant est que même si on a passé du temps à expliquer une pathologie, les retours par les infirmières ou aides-soignants ou par d'autres membres de la famille ne sont pas encourageants.
Hier, après avoir examiné un patient qui présentait des signes d'AVC, j'ai expliqué à sa femme qu'une artère du cerveau était obstrué comme pour un infarctus du myocarde (que n'avais je pas dit là ?) ou qu'il avait saigné dans sa tête. Plus tard, j'ai reçu ses enfants qui avaient eu des informations par leur mère, mais qui désiraient en savoir pus. En fait, il faut croire que mes explications n'étaient pas du tout claires.
" - Papa a fait un infarctus ? Mais pourquoi il bouge pas la main ? ( Et merde !!! je me suis dit. Cela va être encore plus dur de tout réexpliquer...)
   - Mais pourquoi il doit voir le neurologue ? Vous n'avez pas de cardiologue ? (Cela va être dur, très dur...)
   - Je comprends pas : vous êtes pas capable de savoir si il a du sang ou pas ? Vous n'avez pas fait de radio ? (moi non plus, je n'ai pas compris la question...)

Je pense avoir passé plus de temps auprès de la famille qu'auprès du patient. Et, cela n'est pas toujours facile de trouver le temps nécessaire aux urgences pour des explications claires et précises...

lundi 6 mai 2013

Intérimaires de mes deux.......

Comme le dit tout le monde, les vacances passent toujours trop vite. Par contre, c'est fou le temps que je passe alors à dormir. Soit, je me couche plus tard mais je dors pas loin de 10 heures et même après 4 - 5 nuits à ce rythme, je n'ai toujours pas le sentiment d'avoir récupéré. Ce sentiment n'est surement pas propre aux travailleurs de nuit, mais c'est alors que je me rends compte de la fatigue accumulée par les gardes. D'autant que je ne dors pas après une garde (trop envie de profiter de mon temps libre).
Bon, je viens à peine de rentrer de quelques jours de vacances et de nuits complètes qu'une garde a suffit à annuler le repos que j'avais récupéré... Vivement les prochaines...

Hormis  le comprimé coincé dans la gorge, le traumatisme de cheville datant d'il y a 3 semaines en Thaïlande (urgent car le patient ayant à peine atterri doit reprendre l'avion pour le Portugal !!!), ce qui m'a rééllement énervé est... mon collégue médecin intérimaire. Intérimaire car nous ne sommes pas assez nombreux pour remplir le planning (c'est un choix de l'établissement qui passe par une "boite d'intérim" pour trouver des médecins au lieu de nous faire du temps supplémentaire). Ces médecins intérimaires sont urgentistes comme nous avec une formation et une expérience équivalentes. Ils ont choisi de ne pas être au service d'un seul et même service, ce qui leur laisse plus de latitude pour gérer leur planning et l'absence d'obligation de participer aux exigences d'un service.

Bref, tout ça pour parler de mon collègue de 24h d'urgence, pas capable de voir plus de 2 - 3 grand max patients en même temps, par contre capable de rester 3 heures au déchocage pour gérer un patient sans faire aucun geste (intubation, réduction, drainage) pour autant, capable également d'être absent du service pendant 3 heures (quelqu'un a vu l'intérimaire ? était le leitmotiv de la journée). Impressionnant, mais comment fait-il pour être le seul médecin ne gérant aucun patient à 20h alors que nous en avons 3 - 4 en même temps ? Hallucinant, capable de laisser un patient attendre 3 heures avant de le voir !! Il est très fort : capable de rester assis pour taper son observation pendant 30 minutes. En voyant un patient à l'heure, heureusement qu'il n'est pas payé à l'acte. Et c'est là tout son secret : pourquoi examiner 30 patients en 24 heures alors qu'il est payé le même prix en en voyant 2 fois moins ? D'autant qu'il est pas tout seul, alors si les autres veulent travailler, qu'ils travaillent !! Très fort, je vous dis !!! Mais moi, je supporte difficilement ce genre d'attitude !!!!!!!

Et le problème est que sur 5 intérimaires, 1 seul tient la route. Finalement, si ils sont intérimaires, est-ce vraiment par choix ?