lundi 30 juin 2014

Les affaires reprennent

Ce week-end, des stations de montagne avaient regroupé leurs parcours vtt pour en créer un immense. Beaucoup de moyens de secours était mobilisé : des secouristes, des pompiers équipés de motos, quad et de véhicule de secours ainsi qu'un hélicoptère médicalisé. Pour la première fois, les organisateurs avaient décidé après une mésaventure l'année dernière d'embaucher un médecin qui s'occuperait de réguler conjointement avec le COS les différents secours et leurs destinations que ce soient le domicile, les cabinets médicaux ou les centres hospitaliers de secteur.

Pour ces 3 jours, le PC sécurité était situé dans un centre de pompier de l'une des stations. Et me voici, arrivant vendredi tôt le matin pour découvrir les lieux et ces habitants. Je fus alors reçu par le chef du centre : 1m80 de haut et quasiment autant de circonférence. Souriant, accueillant, agréable. Les autres pompiers étaient bâtis selon le même modèle : grand et plutôt portés sur l'embonpoint. Hélas, les quelques femmes pompiers présentes avaient le même gabarit en moins prononcé.
Le premier matin, j'avais beaucoup à faire : comprendre le parcours, connaître les différents moyens et leurs localisations, prendre contact avec le médecin de l'hélico et les médecins locaux.
Peu de temps après, j'ai compris le secret de "leurs formes" : à 9h, ils se mirent tous autour de la table et se mirent à sortir du frigo rillettes, jambon, fromage et vin rouge ou rosé au choix... J'étais impressionné par leur "endurance", car fallait voir le repas du midi : un jour brochettes, le lendemain côtes de boeuf grillées, avec toujours vin rouge ou rosé. Le soir, ils sortaient alors les bouteilles de Crémant et au cas où cela n'était pas à mon gout, je pouvais prendre de la bière ou continuer au rouge. Bref, j'avais mis le pied chez des bons vivants. Le premier soir, après plusieurs verres de crémant (je n'arrivais jamais à finir mon verre. On me le remplissait dès qu'il était à moitié vide), je découvris mon hôtel qui avait comme pensionnaires ce soir-là des alsaciens qui tournaient eux à la vodka gingembre, que je fus invité à boire. Puis, repas avec apéritif, vin, et génépi pour finir. Si j'avais su, je me serais entrainé avant, car 3 jours à ce rythme, mon foie ne tiendrait pas.

Question secours, après plusieurs années de régulation, c'était facile d'organiser les moyens à envoyer. Les cyclistes se faisaient principalement des traumatismes du poignet ou de l'épaule. Hormis le second jour, pendant laquelle plusieurs se firent des traumatismes crâniens dont un sévère qui nécessita un transfert sur un centre de neuro-chrirugie et mobilisa l'hélicoptère pendant quelques heures. Le troizième, ce fut encore plus facile. A cause du mauvais temps, plusieurs remontées mécaniques furent fermées et peu de cyclistes prirent le départ. J'avais du mal à imaginer le plaisir qu'ils pouvaient prendre sous la pluie et dans le brouillard sur des routes détrempées et glissantes. Autant faire du roller sur une patinoire.

Après ces trois jours, Je me suis dit qu'il fallait absolument que je revienne car un tel accueil allait me manquer.

Après les vvtistes crasseux, je suis parti en rapatriement chercher un homme psychotique disparu depuis plusieurs mois et retrouvé après avoir crevé les pneux de 41 voitures. Rien que cela...
A mon arrivée à la prison où il avait été placé, les gardiens ne me laissèrent pas entrer. Seuls les ambulanciers purent pénétrer dans le "bunker" pour en sortir avec un homme relativement calme mais totalement délirant. Le psychiatre venu me parler m'expliqua que le patient refusait de prendre son traitement. Comme en général tous les patients psy... Résultat, maintenant, le patient était dehors, délirant et dans "mon" ambulance. Comme il était plus ou moins calme, j'accepta de le transporter. Heureusement qu'il avait bien voulu monter dans l'ambulance, car je n'avais aucun document me permettant de le transporter contre son gré. Rien n'avait été fait en amont. Durant les 4 heures du parcours, l'infirmière et moi avons pu voir le patient lire la bible, parler à Dieu (ce qui n'est pas donné à tout le monde), faire de grands gestes et parler de façon incompréhensible. Je ne vous raconte pas le soulagement quand nous l'avons laissé au psychiatre.
C'est toujours le même problème avec les patients psychotiques en rupture de traitement, on ne sait jamais à quoi ils pensent et comment cela va évoluer. Pour peu q'une voix leur disent qu'on leur veut du mal... En plus, l'infirmière avec qui je faisais équipe venait de se faire opérer des hanches. Je la voyais bien se jeter sur le patient ou le maintenir avec ces petits bras musclés...
Allez, demain, un petit avion sanitaire pour aller chercher en Slovénie une polytraumatisée, au moins avec ces vertébrés et ces cotes fracturées, on ne risque pas grand chose...

mercredi 18 juin 2014

Grave et incurable

Alors que le procès de l'urgentiste Bonnemaison bat son plein et que resurgit le débat sur la prise en charge de la fin de vie, j'ai reçu une patiente comateuse il y a quelques jours. Suite à un accident vasculaire cérébral au cours du mois d'avril, elle avait perdu en autonomie alors qu'elle avait déjà des troubles cognitifs. Sa famille l'avait alors placée en maison de retraite dont le médecin avait augmenté la veille les doses des benzodiazépines. Et voilà, notre patiente comateuse arrivant au déchocage avec des directives anticipées demandant de ne pas la réanimer. Son état semblant être d'origine médicamenteuse, je demande à mon infirmier de lui administrer un antidote et là, au bout de 2 à 3 minutes, la patiente ouvre spontanément les yeux et nous parle. Je me dis qu'il ne suffit plus qu'à attendre qu'elle élimine ses benzodiazépines et elle pourra alors rentrer dans sa maison de retraite.

Hier, je décide de prendre des nouvelles et là, surprise : les enfants de la patiente n'ont pas compris qu'on ait administré un antidote, vu qu'ils avaient donné des directives anticipées demandant de ne pas la réanimer. Hallucinant, si ils désirent la tuer, autant utiliser l'oreiller, ce sera plus rapide. La loi Léonetti permet l'administration par les médecins de traitements anti-douleur permettant de soulager la souffrance avec pour "effet secondaire d'abréger la vie" d'un malade en "phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable". Dans le cas de ma patiente, ce n'était pas le cas : pas de traitement anti-douleur, pas de souffrance, pas de phase terminale ou d'affection grave et son coma était curable. Si il ne voulait pas qu'on la réanime, il ne fallait pas nous l'envoyer. Et les directives anticipées ne signifient pas qu'on ne doit rien faire. En général, les familles nous remercient d'aider leurs proches surtout quand cela est curable aussi facilement et aussi rapidement. Peut être qu'une assurance vie ou un héritage étaient en jeu...

Autant il nous fut facile d'aider cette patiente, autant on s'est battu ce matin pour finalement aider d'autres patients. En fin de garde : départ smur pour un accident "2 roues avec pâleur - saignement important". Cela fait longtemps que je n'avais plus fait un AVP vraiment grave.

A notre arrivée sur les lieux, je ne comprends pas l'accident. La moto est loin du motard et je ne vois pas d'autre véhicule accidenté. Il fait jour, chaud et sec. Comment s'est passé l'accident ? Les pompiers ne savent pas. J'examine le patient : visage en sang avec des plaies multiples, sang sortant de l'oreille gauche, de la bouche et du nez, inconscient, respiration lente, pouls rapide, tension très basse, déformation du bras et de la cuisse gauche. Faut qu'on fasse vite, très vite. Surtout le perfuser pour le remplir. Les pupilles ? Mydriase aréactive. Je me dis que c'est foutu... Mais ce n'est pas une raison pour ne pas faire son travail. Je donne les consignes à mon infirmier qui sait bien ce qu'il a faire et il ne va pas chômer : 2 voies veineuses, entretien de la sédation, préparation d'une pousse seringue d'amine, dosage régulier de l'hémoglobine. De mon côté, devant l'état critique, je décide d'intuber le patient. Une fois les attelles, ceinture pelvienne, collier cervical, voies veineuses mis en place, on peut filer. Trente minutes sur place : on a bien bossé ; le pouls a diminué, la saturation est bonne ainsi que le CO2 expiré, reste la tension artérielle qui est très élevée maintenant. L'état initial nous a fait demandé du sang qui est arrivé et qu'on passe tranquillement. Mais finalement, le patient répond bien au remplissage : il ne doit pas tant saigner que ça.
Une heure après être parti de notre base, on arrive au déchocage. On est dans les temps. On transmet notre patient aux réanimateurs qui à leur tour bossent à fond. Nous restons pour avoir le bilan lésionnel. Un téléphone sonne plusieurs fois dans le sac du patient, je finis par le prendre : il affiche plusieurs appels de "mon ange"... Surement sa copine... Ce n'est pas à moi de lui annoncer ce que le scanner finit par nous montrer : le cerveau est inondé de sang et le tronc cérébral est atteint... Ne restent plus que les organes à sauver pour pouvoir sauver d'autres patients...

25 ans... Fin de vie... Cette fois-ci, c'était bien "grave et incurable"...

dimanche 8 juin 2014

Avion-taxi - 2 -

Vous vous êtes blessé à l'étranger et vous avez demandé un taxi. Pas de problème, on arrive en avion.
Hier, nous sommes partis chercher une première "mamie" avec une fracture du cotyle à Vienne. Elle était tombée le dernier jour de son "raid" 2 cv en Europe de l'Est. Elle était adorable, drôle et fort sympathique. Avec 2 voitures, elle et ses amis avaient visité Sofia, Budapest,... Maintenant, avec sa fracture, elle ne pouvait se déplacer qu'à l'aide de béquilles. Aussi, alors que l'on avait prévu un matelas coquille, je ne me voyais pas l'utiliser ; cela n'aurait pas été agréable pour elle et la chaise des ambulanciers était trop large pour rentrer dans l'avion. Finalement, elle monta à reculons en s'asseyant sur les marches.
Puis, nouveau départ pour la Bavière, en Allemagne : cette fois-ci, nouvelle "mamie" avec une fracture du fémur. Un peu plus âgée que la première, un peu moins autonome également. A la place de béquilles, elle avait droit à un déambulateur. Cette fois-ci, pas possible qu'elle monte comme la première. Heureusement, l'aéroport possédait cette fois-ci une chaise rentrant dans l'avion. Et, à l'aide des ambulanciers, la patiente put s'allonger à coté de la première en moins de deux.
Et voilà, nos 2 mamies qui se mettent à discuter : de leurs problèmes de santé, de leur voyage, de leur mari. Elle se mettent à comparer les soins en Allemagne et en Autriche, la nourriture, l'accueil des hôpitaux,... Elles se sont tout de suite bien entendues. Nous, pendant ce temps là, on lisait, discutait, plaisantait, buvait du café. Tranquille, quoi... Elles ont fait la sieste le temps du retour.

Une fois en France, on déposa nos 2 mamies l'une après l'autre aux ambulanciers. Que du bonheur.

Pas loin de 5 décollages-atterrisages avec le bruit des moteurs tout du long, mais bon, on va pas se plaindre...

vendredi 6 juin 2014

Avion-taxi

Encore une semaine de dispo pour des rapat avec l'espoir de partir loin et rien, nada... Sauf demain, nous partons pour faire de l'avion-taxi. Un avion sanitaire affrété, tout équipé en matériel de réanimation, oxygène, DSA, aspi et autre avec un infirmier et un médecin des plus qualifiés (si on ne peut plus s'envoyer des fleurs maintenant...) pour aller chercher 2 personnes en Autriche et en Allemagne pour les ramener à leur domicile. Le meilleur est que ces personnes nous seront amenés directement sur le tarmac de l'aéroport et qu'une ambulance viendra les chercher au pied de l'avion dès notre retour. Notre rôle sera de les mettre dans l'avion, de les surveiller pendant le vol puis de les sortir du même avion (tant qu'à faire...). Avion-taxi, je vous dis...
En plus, les pathologies sont de la traumatologie. Pas de surveillance excessive nécessaire. Peut-être une analgésie à mettre en place.
Tranquille, quand je pense aux 24 heures qui m'attendent 2 jours après ce râpât... Cela ne sera pas la même histoire... Pas de café ni de croissant le matin, pas de plateau repas préparé, pas de revues récentes à lire (j'ai pu lire récemment aux urgences une revue de 2005 qui parlait de Whitney Houston et de Michaël Jackson : j'ai eu comme un sentiment de "Retour vers le futur"), et du patient à examiner, traiter, soigner et diriger... Alors que demain, je n'en verrais que 2, au cours de la même amplitude horaire, j'en verrais probablement 20 aux urgences. Sacré ratio...

Alors, si un jour, vous vous faites mal à un orteil (surtout le 5ème...), n'hésitez surtout pas, je viendrais vous chercher avec grand plaisir et ce sera tout confort.

lundi 2 juin 2014

Drôle de boulot

La semaine dernière, malgré 5 jours de disponible pour un éventuel rapatriement : rien... sauf... jeudi avec un départ immédiat pour 17h après un appel à 15h30. Plus qu'à rouler à donf sur l'autoroute pour rejoindre au plus vite la base pour attraper le taxi m'emmenant à la gare pour que je puisse prendre un train pour Toulouse. Arrivée tard dans la nuit, pas le temps de voir le Capitole. Après quelques heures de sommeil, les ambulanciers passent me prendre pour qu'on puisse emmener un bébé de 2 mois et sa mère (heureusement). L'enfant avait subi une intervention pour une mastoïdite et était encore traité par antibiotique. Adorable et tranquille, il a quasiment dormi durant tout le trajet. A moi de lui administrer les antibiotiques par voie intra-veineuse. J'ai pu discuter avec sa mère de 40 ans qui était passée par une fécondation in-vitro pour avoir son bébé. Et avait bien l'intention de recommencer. Hormis le peu de sommeil, ce fut assez agréable.

Par contre, le lendemain, changement de programme : trial 4 x 4 que la cadre de santé de mon service m'a demandé de médicaliser. J'ai plutôt l'habitude de m'occuper de course à pied en montagne avec des participants au top, affinés, s'entraînant depuis plusieurs mois, équipés parfois de vêtements techniques denier cri. La nourriture fournie est composée de salade, de fruits secs, de barres de céréales. L'ambiance est sereine et saine. Un trial 4 x 4 m'a fait le sentiment d'avoir basculé du côté obscur. "Athlètes" gras du bide, avec des vêtements sales, gras et à l'humour gras. En fait, tout est gras chez eux. Mais sympathiques (heureusement). Ils ne sont pas entrainés physiquement mais ont passé de longues heures sur leur machine : voitures de série, certaines améliorées, ou "proto". Evidemment, peu avait un certificat médical dument rempli. Aussi, j'ai passé la matinée à examiner les concurrents et à signer des certificats médicaux. Le repas prévu était "frites - côtes de porc grillées - tarte aux pommes". Une fois lancés, les 4 x 4 devaient franchir différents obstacles : mur en béton, souche d'arbre, fossé, tuyau. Les protos étaient impressionnants mais les voitures de série étaient plutôt pitoyables avec notamment une Fiat Panda 4 x 4 conduite par un homme de 150 kilos au volant (il faut le voir rentrer dans sa voiture...) qui s'est retrouvée bloquer dans un fossé dès la première épreuve suivie par une Lada 4 x 4 qui a, quand à elle, perdu son différentielle arrière ainsi qu'un de ses amortisseurs arrière. Du coup, intervention à nouveau de la dépanneuse. Pendant ce temps-là, la bière coulait à flots : la 11ème gratuite après 10 achetées. Cela donne une idée de la consommation moyenne. Certains étaient déjà bien cuits dès l'après-midi et j'avais l'impression qu'on était plus là pour nous occuper des ivresses aiguës que des accidents potentiels. L'un d'entre eux venait nous voir à la tente de la Croix Rouge après avoir bu pour discuter puis s'allonger pour ensuite retourner au bar au bout de 30 minutes et ainsi de suite. Quelle endurance !! Bref, ce jour ne fut que poussière, bruit et bière...

Et pour varier les plaisirs : nuit hier aux urgences. Je pus prendre le smur ce qui m'a permis d'intervenir pour une crise convulsive ne cédant pas au bout de 10 minutes. A peine arrivés, on entend beaucoup de bruit, de cris dans une maison encombrée de choses diverses et variées. On nous fait monté à l'étage où nous découvrons les pompiers patientant à l'entrée d'une chambre. Dans cette dernière, une dame allongée sur le lit, hurlant et criant en portugais avec un jeune homme et une jeune fille allongés sur elle. De crise convulsive, nous étions en fait en face d'une crise d'hystérie sous l'effet de l'alcool avec menace de défenestration de la mère qui venait d'apprendre que sa fille de 16 ans était enceinte... Superbe ambiance... D'autant qu'évidemment, elle refusait d'être transportée et moi, je ne pouvais pas prendre la responsabilité de la laisser sur place avec cette notion de tentatives de défenestration... Alors, nous n'avions plus le choix et nous allions devoir lui faire une piqure de sédatif. Subitement, elle accepte mais désire fumer avant. Bonne idée, car devant son gabarit, cela évitait aux pompiers de devoir la descendre dans l'escalier étroit. Mais à peine avait-elle descendu quelques marches qu'elle se mit à courir. Les pompiers purent la rattraper rapidement et l'emmener dans leur véhicule. Tout ça pour ça...

Quel drôle de boulot parfois...