mercredi 30 avril 2014

Tranquille

Alors que tout est tranquille en ce moment, c'est à dire que je n'ai fait aucun rapatriement en 3 semaines (dingue, personne ne se blesse ou tombe malade en vacances ??), enfin, on m'appelle pour un rapatriement sanitaire pour aujourd'hui. Yes, enfin, en plus en avion sanitaire avec une infirmière avec qui j'adore travailler et discuter. Cette dernière fonctionne un peu comme quoi, sans se prendre la tête avec des choses inutiles et en étant cash avec le patient ou les différentes équipes médicales que l'on rencontre. Alors que l'on nous demande souvent de prendre beaucoup de matériel (toujours au cas où...), on a tendance à s'alléger et à prendre surtout ce dont on aura besoin au cours de la mission. Bref, tout s'organise tranquillement. Cette fois-ci, le patient est âgé de 94 ans et est actuellement en Algérie. Notre mission (qu'on a accepté) est de le ramener à son domicile.
J'ai trouvé bizarre qu'un homme très âgé hospitalisé pour une altération de l'état général rentre directement à son domicile sans passer par un centre de court ou moyen séjour... Bon, surement qu'il n'avait rien de grave... Enfin, quand même, il a 94 ans, doit bien avoir quelques antécédents, ne doit pas être en pleine forme et en général, une hospitalisation a tendance à grabatiser.
Pour pouvoir y aller, il me fallait m'occuper de la baby-sitter, du rangement de la maison, de penser au repas du midi...
Et voilà, qu'alors que tout était prévu, on m'appelle dans la soirée pour me dire que la mission est annulée car le patient est décédé...

J'ai trouvé cela énorme qu'un patient devant rentrer le lendemain chez lui... décède... De toute façon, cela devait bien lui arriver, à 94 ans... et cela n'est pas trop prévisible. Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'à chaque fois que l'on va chercher un patient en Algérie, ce n'est jamais simple. D'autant que l'on ne peut pas pénétrer dans le pays. Nous devons rester sur le tarmac et le patient nous est amené par une ambulance et par un personnel ne connaissant pas le patient. Poser des questions ne sert à rien et souvent le dossier est très succinct avec peu d'examens complémentaires. A ce stade, il est difficile de laisser le patient et il faut bien faire avec ce que l'on a. C'est pourquoi on emmène toujours beaucoup de matériel.

Une fois, je suis parti pour aller chercher un patient âgé ayant fait un AVC. L'assistance m'avait affirmé qu'il était conscient et en voie de récupération de son hémiplégie. Une fois sur place, l'ambulance nous a amené un patient déshydraté, fiévreux, aphasique et ne répondant pas aux ordres simples. En plus, le patient n'avait pas été changé et sa couche était pleine... Incroyable de devoir s'en occuper sur le tarmac : l'essuyer, le changer, le perfuser, le remplir... Donc, forcément, maintenant, on a bien compris que le patient ne correspondra pas au bilan. Et du coup, faut dire que cette fois-ci, ils ont fait fort...

Bref, ce n'est pas encore cette fois que je ferais un rapatriement.

samedi 26 avril 2014

Urgentistes anonymes

J'ai récemment discuté par mail avec une ancienne collègue infirmière (qu'on appellera Louise) avec qui j'ai travaillé dans un autre hôpital. J'appréciais beaucoup de travailler avec eux : elle était toujours de bonne humeur, enjouée, compétente et drôle. Elle voyait le bon côté des choses et notamment des urgences. J'avais l'impression (à l'époque) qu'elle avait réussi à passer par dessus le sentiment d'inutilité que je ressentais. Un peu comme si elle avait passé un cap que je n'avais pas encore franchi : avoir suffisamment de recul envers les soins et les patients pour que rien ne nous atteigne. Mais hélas, je me suis trompé
Son message m'a fait froid dans le dos : après 15 années passées dans un service d'urgence, elle se disait "cassée, vidée, fatiguée, pauvre, endettée et la vue d'une mamie au fond de son lit, attendant le baiser de Saint Pierre l'émeut à peine". Elle se posait les mêmes questions que moi :
  - pourquoi cet épuisement ?
  - pourquoi ce sentiment de ne servir à rien ?
  - et puis, pourquoi alors que l'on a commencé ce travail pour être en équipe et pour les autres, n'éprouve t'on plus d'empathie ou de considération pour les patients ?

Cela engendre un sentiment d'auto-dépréciation : on ne se reconnaît plus. On pensait aimer les autres et vouloir tout faire pour les aider et voilà qu'une fin de vie nous fait plus penser à "nursing - lit à trouver" que "compassion et empathie". On a le sentiment de ne plus rien éprouver, limite d'être des monstres, incapables de ressentir le moindre sentiment pour autrui.
Ce travail, nous voulions le faire pour les rencontres qu'on pouvait y faire, les discussions qu'on pouvait avoir, le soulagement et les soins qu'on pouvait mettre en place. Nous voulions agir pour les autres et de façon efficace : ce qui correspond bien aux urgences. Mais nous ne nous attendions pas à la charge toujours plus importante de travail que ni la direction, ni les patients ne réalisent. Notre manque de considération pour les autres vient en retour du leur. On est juste humain, pas des machines : si on ne nous témoigne que des sentiments négatifs, il me semble normal qu'on ressente la même chose au final (je n'ose pas imaginer ce qui doit en être pour les policiers et gendarmes). Le moindre remerciement nous apparaît comme incongru mais tellement précieux.

Pour en revenir à Louise, cela faisait 2 mois qu'elle était en arrêt et au bout de 8 heures de travail, elle ne se sentait plus capable de continuer et son médecin l'a de nouveau mise en arrêt de travail.

Comme pour moi, elle ne sait pas quoi faire : elle aime son travail, mais n'arrive plus à travailler. Elle ne désire pas le quitter pour autant car ne voit pas ce qu'elle pourrait faire d'autre...

Louise n'est pas la seule à m'exprimer cette frustration et cette lassitude. On va finir pour créer un groupe de psychothérapie genre les "urgentistes anonymes" qui ont arrêté les urgences et essayent de  ne pas replonger...

lundi 21 avril 2014

Urgences vide ou pleine ?

La semaine dernière, je travaillais de nuit. Quelques jours avant, je me disais que ce serait tranquille, que j'arriverais frais pour bien bosser 4 - 5 heures avant de couper la nuit avec mon collègue. Douze heures : c'est pas si long, pas si compliqué.
Et pour autant, je préfère faire 24 heures. Au moins, j'arrive le matin en sachant que c'est toujours calme, je travaille toute la journée, je fais mon taf et je sais où j'en suis. Quand arrive le soir, je continue, je suis dans le rythme. C'est un peu comme un marathon : pour finir la course, tout est une question de mental.
Quand je ne fais que la nuit, plus arrive l'heure fatidique du départ, plus je stresse. J'imagine le bazar aux urgences, les box d'examen remplis de patient âgés et compliqués, le déchocage plein sans possibilité de le vider, les équipes smur dehors toute la journée avec le secteur "court" débordant de conjonctivite, de plaies à suturer, de fractures à plâtrer, le secteur pédiatrie plein de gastro-entérite, de rhinite, de fièvre (encore une fois, je parle de pathologie. Cela peut paraître réducteur, mais cela correspond au motif de recours inscrit sur nos ordinateurs).
Bref, plus l'heure tourne, plus la journée avance, plus je tourne en rond, plus je ne pense qu'à ça. Je commence à faire quelque chose, mais je n'arrive pas à m'y mettre totalement, je n'ai pas la tête à ça. Alors, plus qu'une solution, y aller, et voir de mes propres yeux l'état des urgences. Ainsi, j'arrive en avance, parfois avec plus d'une heure d'avance. Et là, je me sens rassuré. Je peux enfin me mettre au taf. Le monde aux urgences ne dépend plus que de ma capacité à gérer les patients.

Le pire est que cette nuit s'est bien passé. Tranquille comme cela ne le fut plus depuis plusieurs semaines.

Le lendemain, tout cela m'a "chiffonné". Comment ou pourquoi faire ce travail si cela me met dans cet état ? Est-ce normal de stresser après plus de 12 ans de métier, alors que je connais mon métier, que rares sont les situations qui continuent à me stresser, et que l'équipe para-médicale tient la route. En fait, au fond, qu'est ce qui me stresse ? Les patients... ou plus exactement le nombre important de patients. C'est ça, j'apprécie de faire des urgences en ayant du temps pour bien prendre en charge chaque patient.  Cela parait évident, tout le monde apprécie de travailler en ayant du temps pour le faire. Ce qui est peut-être propre aux urgences est qu'on gère des êtres humains, qu'un nombre important de patients à gérer signifie plus de pathologies graves, donc un temps de prise en charge plus long, donc un temps d'attente pour gérer le reste plus important, donc des gens mécontents, des cris, voire des insultes. Il faut alors courir, téléphoner, trouver des places d'hospitalisation, appeler les spécialistes qui ne comprennent pas qu'on ne sache pas faire ce qui relève de leur spécialité et tout engendre beaucoup de stress...

En fait, je pense que je suis fatigué et que je ne vois pas pourquoi je continue à m'infliger cela. Masochisme ?

Faut que je change de taf...

jeudi 10 avril 2014

Les gardes quelle merde !!!

C'est frustrant... Je ne travaille pas à l'hôpital depuis plus d'une semaine et toujours aucun rapatriement... Ggrrrrrr !!!! C'est fou. Je ne souhaite pas que les gens se fassent mal ou tombent malade, mais si il pouvait y en avoir juste un (un seul, allez quoi... vu le nombre qui part en vacances. C'est pas trop demander) à la Nouvelle-Calédonie par exemple ou en Nouvelle-Zélande qui fasse juste un petit malaise (même sans perte de connaissance, je prends). En mars, j'en ai fait plusieurs mais toujours de moins de 24 heures, car je n'avais pas de longue dispo et maintenant que j'ai une longue période disponible, rien, rien, absolument rien. A se demander si mon abonnement téléphonique n'est pas résilié.

C'est comme en garde SMUR, quand vous avez la possibilité de vous coucher tôt, vous ne pouvez pas vous empêcher de vous demander : "À quoi bon ? A tous les coups, ça va biper dans 10 minutes". Essayer de trouver le sommeil avec ça dans la tête... Alors vous vous tournez et retournez. Parfois, après avoir réussi à dormir un peu, vous vous réveillez en vous demandant si ça n'a pas bipé. Vous attendez qu'on vous rebipe ou que quelqu'un vous appelle. Rien... Vous avez du rêver... Ou alors, comble de tout, vous vous dites que le bip ne marche plus : panne de piles peut être. Mais quelle idée de penser ça, car dans tous les cas, quand il faut un médecin, ils arrivent toujours à vous trouver. Et ainsi, vous voilà inquiet, soucieux : "Et si il y avait un départ et que l'équipe m'attendait"... Pas 36 solutions : soit se lever pour en être sur, soit téléphoner pour s'assurer d'un départ, soit attendre... En général, je préfère la dernière solution... Au bout d'un certain temps, vous décidez de vous rendormir. Mais même situation qu'au début : "Et si ça bipait dans 5 - 10 minutes ?" Rebelote...

Bref, le matin, vous émergez et quand vos collègues avec un grand sourire vous demandent : "Ça va ? Pas trop dur de dormir ?" Que voulez vous répondre ? Vous êtes juste dégouté de ne pas en avoir profité pour faire une bonne nuit. Et vous vous dites : "Décidément, c'est vraiment la merde ces gardes. Même quand on peut dormir, on n'y arrive pas !!!"