vendredi 7 mars 2014

Changement de rythme

Quel changement de rythme en peu de temps... La semaine dernière : après 24h aux urgences et une petite journée de repos, départ pour Lima au Pérou. Environ 14 heures de vol avec une arrivée à 20h heure locale, soit 2h du matin chez nous. L'hôtel étant situé proche de l'aéroport, aucune chance pour que je vois quoi que ce soit de la ville. De toute façon, il me fallait récupérer pour pouvoir assurer le lendemain : départ à 6h de l'hôtel pour un vol pour Cuzco (la ville la plus proche du Machu Picchu), récupérer la patiente et retour en sens inverse. Au total, 4 vols et pas loin de 16 heures de vol dans la même journée. Ainsi, en 60 heures de travail, j'en aurais passé 30 dans un avion. Bizarre comme job, non ? Et tout cela en classe business : champagne à l'arrivée dans l'avion, petite trousse de toilette fournie, siège permettant de dormir en position horizontale, repas complet avec couverts en métal, apéritif, choix du vin et digestif,... Bien sur, je m'occupe de la patiente, mais je n'en ai qu'une à gérer et dans une ambiance feutré et confortable. Cela me change radicalement des 4 patients en situation critique à gérer au déchocage avec pour assise un pauvre tabouret. Je préfère le ronronnement du réacteur aux bips d'alarme du scope et du respirateur. Par contre, le passage du contrôle des bagages est toujours aussi problématique : cette fois-ci, j'ai eu affaire à une agent un peu trop zélée : elle regardait chaque partie de mon sac. Quand je l'ai vu s'attaquer à la trousse de médicaments, j'ai pris peur. Et effectivement, elle me demandait à quoi servait chaque ampoule. Je lui répondais :"anesthésique", ou "anxiolytique" en lui précisant que c'était pour endormir des gens. Elle prenait alors le médicament et le posait dans un petit bac. C'est lorsque j'ai commencé à exprimer mon exaspération sans m'énerver (on sait jamais, c'est assez susceptible un agent de sécurité) qu'elle est allée chercher son responsable. J'ai alors sorti mon argument ultime : Si je ne pouvais pas prendre ma trousse entière, la patiente restait là et j'embarquais sans elle. A eux alors de s'en occuper. La patiente a alors montré sa cicatrice de craniotomie qu'elle cachait sous une casquette. Bizarrement, cela marche toujours et une fois encore, la sécurité m'a dit que tout était ok. A ma charge de ranger mes médicaments et tout mon sac.
Voyager avec cette patiente fut très agréable. Sans parler aucune langue étrangère, elle avait décidé à 60 ans de voyager et alors qu'elle avait eu de lourds problèmes médicaux (lymphome) et qu'elle prenait un anti-coagulant, elle était partie en Amérique du Sud. Quand je pense à tous ceux que le simple traitement par insuline les cantonne à leur domicile. Son hémorragie intra-cranienne ne l'avait pas arrêté dans ses projets, on parlait des différentes capitales européennes (Barcelone et ses ramblas, Amsterdam et ses vélos, Prague et son château), mais aussi de l'Asie (Inde et ses ghats, Cambodge et Angkor,  Thaïlande et Phuket,...), d'Afrique (Madagascar, Sénégal...). Quelle motivation, elle prenait un vol sec, son sac à dos et s'organisait sur place pour les visites. Avec sa maigre retraite, elle dormait en général dans les auberges de jeunesse et prenait les bus locaux. J'adore ces gens simples d'apparence mais ayant une grande richesse intérieure. Pendant tout le retour, on a bien sympathisé et même commencé à se chambrer. En m'entendant parler anglais, elle m'a fait remarqué qu'elle pourrait faire mon travail. La garce... ;)

Le lendemain, passage à la case urgence avec son rythme soutenu et interminable et alors que je croise et vois beaucoup de patients, je ne discute avec aucun. Puis, nouveau départ en avion pour l'Autriche pour un jeune ayant convulsé et devant rentré chez lui. Et encore une fois, tranquille, à passer du temps à discuter avec lui : lui aussi voulait voyager mais en voiture cette fois, en prenant le temps de se poser dès qu'une ville lui plaisait. Il avait ainsi atterri à Braunau, ville natal d'Adolf Hitler. J'aurai au moins appris quelque chose cette semaine.

Tout cela pour finir par 24 heures aux urgences et me retrouver fatigué, vidé... Vivement la prochaine mission.

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