samedi 27 juillet 2013

Fès

C'est fou comme des personnes peuvent être différentes en fonction de leur pays. J'étais en début de semaine en Thaïlande : sourire quelque soit les circonstances, salutations les mains jointes et inclinaison du tronc, toujours à nous demander si cela va ou a été bien. On se sent bien considéré. Les infirmières sont présentes, nous donnent dossier épais, traitement complet, nous accompagnent jusqu'à l'aéroport.
Puis 2 jours après, départ pour le Maroc, Fès. En exagérant à peine, je pourrais dire que c'est l'exact opposé : pas de sourire, une espèce de nonchalance générale associée à une lenteur dans la moindre de mes demandes. Les infirmières ne font que le minimum : dossier incomplet, pas de traitement préparé, patiente pas prête (pas changée, pas habillée). Elles partent s'allonger alors que l'on s'occupe de la patiente, mettent du temps à réaliser le moindre geste. On comprend alors mieux l'état du service : serpillière trainant dans un coin d'une pièce qui doit être la salle de soins, chariot de soins sale et pas rangé... Bref, faut que je ramène cette patiente en France, sinon je ne donne pas chère de sa peau. La pauvre, 92 ans, amaigrie, déshydratée, petite, sourde et parlant mal le français. La veille, le médecin que je rencontre m'assure qu'elle marche (condition sine qua non pour que je puisse la ramener en avion de ligne en place assise : il est nécessaire qu'elle puisse marcher du fauteuil à son siège). La voyant fatiguée allongée sur le côté, je n'ai pas voulu l'ennuyer et j'ai fait confiance au médecin qui présentait bien. Le jour du départ, je rencontre la famille que j'avais raté de peu la veille qui m'assure qu'elle ne se déplace plus... Un essai me montre même qu'elle ne tient plus sur ses jambes. Pas de retour possible. Je maudis ce p... de médecin de mes 2 et m'en veux de m'avoir pas vérifié la veille. Le bilan fait à l'assistance était trop beau pour être vrai pour une personne de 92 ans.
Du coup, pas le choix : appel de l'assistance, annulation du vol, et essai d'un avion sanitaire le lendemain avec moi comme médecin. Pas le choix, il ne me reste plus qu'à passer une nuit de plus à Fès. Après Bangkok et Fès, j'aurai préféré rentrer au plus tôt me reposer...
J'accepte : c'est le jeu, ma pauvre Lucette. J'avais qu'à m'assurer de son état plus tôt.
Par contre, pas question de retourner dans mon hôtel décrépie de la veille (qui fut surement un hôtel luxueux il y a 50 ans, mais hélas, l'absence de rénovation et le temps n'ont pas arrangé les choses) et quitte à rester, autant que ce soit dans le meilleur hôtel de la ville. Aussi, ne me démontant pas, je demande aux ambulanciers de me conduire dans le meilleur hôtel de la ville. Et je ne fus pas déçu : à l'entrée de la médina, hall somptueux, chambre avec enfin de l'air conditionné, propre et monstre piscine :


Hélas, je ne pus pas tant que ça en profiter : l'assistance a réussi à dépêcher un avion sanitaire dans l'après-midi pour nous ramener en France. Tant pis, j'ai au moins pu visiter la médina :




mercredi 24 juillet 2013

Rapatriement au pluriel

Je devais médicaliser une course ou un salon hippique du côté de Bourges pendant une semaine à partir du 20 juillet : 10 heures par jour pendant 8 jours. La boite avec laquelle je travaille n'ayant pas eu le contrat, je me retrouvais dispo. Je me suis dit que j'allais essayer de voir si côté rapatriement, il était intéressant de donner des disponibilités longues dans l'espoir de pouvoir partir longtemps et donc loin. Et là, bingo, rapatriement pour Bangkok avec une amie infirmière. En classe affaires aller et retour car le patient est valide. Avec à peu près 2 jours sur place pour soi. Trop bien !!
Le patient a été brulé gravement il y a au moins 2 semaines et quand nous sommes allés le voir, il n'avait plus de pansement. Trop facile. Sans avoir d'à priori, il était une caricature vivante des occidentaux venant en Thaïlande pour trouver "l'amour" : gros, cheveux gras, moche, avec la critique facile sur la Thaïlande et les thaïlandais, et évidemment en couple avec une thaïlandaise. Au cours de son hospitalisation, il a perdu 10 kilos et n'en pèse "plus que" 110. Ma collègue l'encourage : "faudrait passer sous la barre des 100" alors qu'un peu plus tard, le patient sort avec nous pour aller manger un kebab... Y a du boulot...
On a vu beaucoup de couples mixtes dans les rues de Bangkok : jeunes ou vieux en couple avec une jeune thaïlandaise. Certains couples avec des enfants. A mon avis, chacun doit y trouver son compte, mais on ne peut pas s'empêcher de trouver cela un brin malsain.
Bref, c'était bien sympa de passer 2 jours à Bangkok pour une journée de boulot d'autant que nous étions bien logés dans un hôtel avec piscine, salle de sport et monstrueux buffet au petit déjeuner. On en a profité pour aller diner à l'hôtel Intercontinental : encore une fois monstrueux buffet.

Après ces 4 jours de dur labeur, un jour de repos et nouveau départ demain pour le Maroc récupérer une personne âgée pour la ramener chez elle.

Le problème est qu'en général on doit partir tôt avec des réveils vers les 4 - 5 heures pour ensuite enchaîner les vols et les transferts dans différents aéroports avec contrôle d'identité et des sacs régulièrement. Ce rythme est assez épuisant mine de rien. Et devoir expliquer (comme on l'a fait à Amsterdam) en anglais à quoi sert un laryngoscope est assez difficile mais on est vite récompensé par leur mine dégoutée une fois que les douaniers ont compris. Le premier à avoir compris a mimé avec notre laryngoscope le geste pour ces collègues et on les voyait les uns après les autres faire une grimace de dégout. Excellent !!! Sinon, évidemment une fois le sac médical ouvert avec le tensiomètre, les différents solutés, les différentes ampoules, les sondes d'intubation ou naso-gastrique : les policiers ne savent plus quoi faire : tout contrôler et y passer des heures ? Interdire les solutés au risque d'être responsable si le moindre problème médical survient lors du vol ? Ainsi, après un bref coup d'oeil, ils nous demandent de tout remballer. En général, je prends un malin plaisir à prendre mon temps pour tout ranger comme il faut et refermer le sac. Et inutile de pester... Fallait y penser avant, gros béta !!!

lundi 15 juillet 2013

Attention, on arrive !!!

La réaction des usagers de la route lorsqu'ils entendent un véhicule de secours est dans la plupart des cas très déconcertante.
C'est grisant de partir en intervention : girophares allumés, "2 tons", GPS avec le son bien fort nous donnant la direction, ambulancier concentré et tendu afin d'aller vite sans pour autant créer d'accident.
On aimerait que les gens nous entendent de loin, mettent leur clignotant, se rangent sur le côté dés qu'ils le peuvent et s'arrêtent avec les feux de détresse.
Bizarrement, cela ne se fait pas dans cette suite logique.
La plupart du temps, on se rend compte qu'ils nous ont captés une fois que l'on peut lire les plus petits caractères de leur plaque d'immatriculation (généralement, le nom du garage où a été acheté la voiture. Cela me fait une belle jambe de le savoir !!). Et là, c'est le moment le plus risible et le plus triste à la fois : on peut voir dans leur rétro la surprise, la panique et l'angoisse se dessiner sur leurs visages. Mais non, nous ne sommes pas des policiers ou des gendarmes !!! Mais trop tard, ils freinent... nous obligeant à freiner à notre tour perdant notre vitesse et le peu de temps que l'on avait gagné... (pourvu que le patient ne soit pas dans un état grave... En cas d'ACR, j'évalue tout de suite les pertes de chance...). À ce moment, je sens l'ambulancier se contracter, ruminer une sombre vengeance, voire jeter un sort sur le pauvre automobiliste qui ne sait plus quoi faire ni à quel saint se vouer : dois-je m'arrêter pour laisser passer ? Oui, mais en général, ils décident de s'arrêter dans un virage ou entre un trottoir et le terre-plein central nous laissant aucune chance de dépasser... Dois-je me rabattre sur la gauche ?!? Oui, je vous assure, certains ont ce choix malheureux. Bien sur, dans la panique, ils oublient de mettre le clignotant nous laissant dans l'incompréhension la plus totale. L'ambulancier aurait aimé dépasser : mais par la droite, c'est dangereux avec le risque que l'autre ne décide de changer d'avis... Alors, il n'ose pas, hésite, mesure les risques... Dois-je me rabattre sur la droite ? Oui, mais pas dans un virage et surtout, faut qu'on ait la place de passer !!!
Le plus drôle est d'intervenir en ville et de voir des gens en 4 * 4 ne pas oser monter sur un trottoir.

Au feu rouge, c'est un autre problème : aucun véhicule n'ose dépasser le feu, alors ils avancent d'un mètre. Evidemment, on ne passe pas. Ils avancent d'un nouveau mètre. On ne passe toujours pas. Et ça continue jusqu'à qu'on puisse les doubler. Et pourtant il n'y a encore aucun radar de feu rouge dans notre secteur.
Les radars de vitesse sont un autre problème. Pour éviter de la paperasse et des explications avec preuve à l'appui auprès des autorités, l'ambulancier est obligé de freiner et de ne pas passer au dessus la vitesse autorisée à l'approche d'un radar avec le sentiment de perdre du temps pour... rien.

Parfois, on tombe sur une auto-école et on espère pour le conducteur qu'il ne passe à ce moment son examen.

Si on pouvait leur enseigner comment réagir face à un véhicule de secours...

lundi 8 juillet 2013

Boire ou conduire, faut choisir, d'accord, mais faut bien rentrer chez soi...

Samedi soir, un soir comme tous les autres samedi soir... Mais là, faut croire que c'était "open bar" dans un des bistrots du coin ou qu'il y avait des promos sur l'alcool dans l'un des supermarchés du coin ou que finalement tous les alcooliques avaient décidé d'organiser un symposium dans l'un des services d'urgence du coin... à savoir le notre !!!
On a eu quelques signes prémonitoires, comme dans un mauvais film d'horreur. Le premier patient en état d'ébriété est arrivé vers 15h, le suivant vers 17h. C'était bien tôt, mais quand on est alcoolique, y a pas d'heure pour éviter le manque... Mais ils étaient bien, bien alcoolisé...

Le pire est arrivé vers 22h - 23h avec des alcooliques chroniques en état d'ébriété :
  -  le plus "romantique" ("j'sui poète !!") : un homme présentait une fracture et nécessitait l'avis de l'orthopédiste. Vu son état, il valait mieux attendre le matin, mais évidemment, il s'est réveillé vers 1h30 et ne comprenait pas qu'il devait attendre et que de toute façon il ne pouvait rentrer tout seul chez lui et que de toute façon il ne connaissait personne pour venir le chercher ("J'sui poète. J'sui seul !!"). Bref, il a fugué...
  -  le plus triste : une dame de 35 ans amené par les pompiers avec sa fille de 7 ans. La mère à 4g35, avec quelques troubles de conscience et la fille nous expliquant : "maman va faire dodo. Faut lui mettre une couverture pour pas qu'elle ait froid". Triste de voir la fille s'occuper de sa mère, de la border, alors que ce devrait être l'inverse. A priori, cela ne devait pas être la première fois...
  -  le plus pitoyable : une femme amenée par des ambulanciers pour une toux datant d'une semaine. Son fils de 15 ans avait appelé le Samu car sa mère avait bu. Elle avait accepté d'être transporté à condition qu'on la raméne. Or, quand elle a su qu'on n'appellerait aucune ambulance pour la ramener chez elle, elle s'est énervée, a commencé à nous insulter et nous dire qu'elle allait rentrer à pied et que si il lui arrivait quoi que ce soit, ce serait le Samu qui en serait responsable... Bref, elle a fugué...

Tout cela ajouté à plusieurs jeunes alcoolisés amenés suite à un AVP impliquant 3 véhicules légers... On s'est retrouvé le dimanche matin avec 6 personnes en train de décuver (ce n'est pas beaucoup, au final, mais comme certains sont rentrés chez eux)...

Quel beau boulot nous faisons...