mardi 2 septembre 2014

Auckland - suite et fin -

Quand on m'appelait pour un rapatriement, je plaisantais en demandant : "Auckland ?" jusqu'à ce que cela m'arrive vraiment. Je n'aurais pas cru que cela possible. Et pourtant...
Ce ne fut pas simple pour autant. Il fallait que l'on ramène une patiente de 30 ans, tétraplégique depuis l'âge de 10 mois (et non, 10 ans comme mentionné dans notre rapport médical) ayant un escarre sacré surinfecté. Donc, pour la transporter, il nous fallait emmener un matelas coquille, imposant bagage qui voyage avec les objets "oversized", c'est à dire encombrants. Après avoir voyagé pendant plus de 24 heures (départ à 7 heures du matin pour une arrivée le lendemain à 23h30, heure locale), nous sommes enfin arrivés à Auckland, décalés et fatigués. Mais sans notre matelas coquille... Essayer d'expliquer au service bagages perdus en anglais ce qu'est un matelas coquille... C'est toute une histoire... Quelle taille ? Quelle forme ? Quelle couleur ? Et c'est quoi ?... Tout ça pour qu'on nous dise que finalement, il ne sait pas où il est et qu'il va falloir rappeler demain... Plus qu'aller à l'hôtel et là, surprise, au lieu de l'hôtel classe situé en plein centre-ville d'Auckland, voilà qu'on se retrouve logé à l'hôtel de l'aéroport et en plus pour 3 nuits, nous apprend la réceptionniste. Quelle idée !!! On ne va quand même pas faire les allers-retours en bus ou en taxi pour la visiter le centre-ville pendant 2 jours. Mais bon, fallait qu'on dorme et évidemment avec le décalage horaire, il était pour nous le milieu de l'après-midi et comme d'habitude, je me suis réveillé au bout de 4 heures. Comme après une sieste. Avec l'impossibilité de retrouver le sommeil. Tant pis, à 6 heures, je décide d'aller courir à la salle de sport. Cela me fait toujours bizarre de courir ou de nager à l'étranger alors que j'y suis pour travailler. Mais, j'adore ça !! Profiter de ce que les rapatriements m'apportent de différent : les buffets du petit, déjeuner,

Au petit déjeuner, nous décidâmes, l'infirmière et moi de changer d'hôtel et d'aller dans celui prévu initialement. Ne surtout pas oublier d'appeler le service des bagages de l'aéroport et l'assistance de notre changement. Nous ne regrettâmes pas notre modification de logement : magnifique hall, personnel attentif, chambres spacieuses, avec en plus une réceptionniste française. Grâce à elle, on a pu téléphoner sans souci d'incompréhension au service bagages.

Quel plaisir se fut par la suite de prendre son temps, de visiter Auckland, son musée, de se baigner dans la piscine intérieure chauffée, de manger dans des petits restos.


Le deuxième jour, finies les "vacances" et... toujours pas de matelas coquille. On apprit qu'il devait arriver le soir même à 22h40 alors qu'il nous fallait réceptionner la patiente à 20h et décoller à 23h50. Impossible de le récupérer pour s'en servir. On avait réfléchi à cette éventualité et heureusement pour nous, la patiente dénutrie ne pesait que 30 kgs : elle ne serait pas difficile à transporter mais il fallait par contre que le matelas reparte avec nous. Pour compliquer les choses, n'étant pas sur de nous, on a demandé à pouvoir le récupérer à notre escale de Singapour qui devait durer 7 heures.

Notre patiente ne pouvait que bouger la tête et légèrement les doigts de la main droite. Ses membres raides avaient des positions vicieuses. Elle était dépendante pour tout : pour la couvrir si elle avait trop chaud, la découvrir si elle avait trop froid, essuyer son visage et dégager les cheveux qui pouvaient la gêner, la changer tout en faisant attention que son masque de ventilation soit bien installé, pas trop serré et bien centré, lui donner à manger, à boire,... Nous ne fumes pas trop de deux pour assurer le nursing. Mais malgré tout, nous ne pûmes pas nous reposer.

Une fois installés à l'infirmerie de Singapour, je partis à la recherche de notre fameux matelas coquille (qui se dit "vacuum mattress" en anglais, toujours bon à savoir, je ne risque pas de l'oublier). Après plusieurs passages par le service bagage, sécurité, policier, on m'expliqua que je n'était pas dans le bon terminal, le "vacuum mattress" étant arrivé au terminal 2. Je dus recommencer toutes les démarches pour accéder à nouveau au fameux tapis roulant et surprise... notre matelas coquille nous attendait bien sagement. Quand je pense qu'au final, on ne s'en est même pas servi.

Après ce second vol de 13 heures, on était vraiment très fatigués et ce fut sous la nuit qu'il nous fallut transférer la patiente dans un avion sanitaire. Elle fut alors toute mouillée et dans l'espace confiné et avec une lumière blafarde, l'infirmière et moi durent la changer. L'assistance ne nous oublia pas pour autant en nous appelant quelques minutes avant le décollage pour nous signaler que l'hôpital destinataire n'acceptait pas la patiente. Depuis quand un service d'urgence choisit ses patients ? J'ai trouvé ça hallucinant et la solution fut de la ramener à son domicile à 3 heures du matin... J'ai découvert une maison adaptée à son handicap, tout était prévu : accessible sans escaliers, lit médicalisé, couverture chauffante, matelas anti-escarre avec une famille très présente et attentive.

Quelle voyage... Il ne restait plus qu'à récupérer. Bizarrement, je me remis facilement de ce second "jet-lag"...